Un sport qu’on croyait paisible, mais qui divise de plus en plus
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Le trail, sur le papier, c’est la liberté. Courir dans la nature, respirer, s’évader, se reconnecter à soi. Mais dans les faits, ce sport qu’on croyait consensuel est devenu source de tensions. Trop de monde, trop de bruit, trop d’ego, trop de traces. Derrière la carte postale, certains y voient un envahissement de la montagne, une mise en scène commerciale, ou même une hypocrisie écologique. Et quand on écoute ces critiques de près, difficile de tout balayer d’un revers de main.
Les 10 critiques faites au trail
“Vous êtes trop nombreux au même endroit, au même moment”
C’est l’argument numéro un. Ce n’est pas la course en soi qu’on vise, mais la concentration. Les mêmes sentiers, les mêmes horaires, les mêmes crêtes bondées chaque week-end. Pour les riverains et randonneurs, c’est une privatisation déguisée de l’espace naturel. Le jour d’une épreuve, entre barrières, rubalise, navettes et routes bloquées, la montagne devient une scène temporaire qui s’impose aux habitants sans toujours leur demander leur avis.
“Vous abîmez les chemins et dérangez la faune”
L’impact existe, surtout sur terrains fragiles ou après la pluie. Le passage répété creuse les traces, accentue l’érosion et perturbe la faune. Les sorties nocturnes en frontale, très populaires, dérangent les animaux aux heures où ils se nourrissent. La “trace propre” vantée par les trailers ne suffit pas toujours à effacer ces effets. Pour les écologistes, le trail doit encore apprendre à doser sa présence.
“Le trail casse l’ambiance des sentiers”
Clubs, groupes, enceintes Bluetooth, applaudissements, musique de départ… Beaucoup adorent cette énergie collective, mais d’autres y voient une rupture avec la culture du silence en montagne. Même sans sono, le flot continu de coureurs et de voix suffit à transformer un sentier paisible en promenade urbaine. Pour les amoureux du calme, le trail, c’est devenu le bruit de la ville… dans la forêt.
“C’est un sport de CSP+ qui se prend pour un sport simple”
Le discours “minimaliste” du trailer fait sourire ceux qui regardent de l’extérieur. Car pour courir “léger”, il faut une montre GPS à 600 €, des chaussures dernier cri, une veste certifiée, un sac, des gels, des déplacements. Le trail a beau vanter la simplicité, il reste un sport de classes moyennes supérieures, avec ses codes, son vocabulaire et son look. Et cette image d’authenticité fait parfois grincer des dents.
“Vous avez importé la logique du chrono là où elle n’a pas de sens”
Pour les coureurs sur route, le trail entretient une ambiguïté. On parle de course, mais les temps ne sont jamais comparables. La météo, la boue, le dénivelé rendent tout repère flou. Résultat : certains ont l’impression que les trailers “se racontent des histoires”, glorifiant des performances invérifiables, tout en méprisant ceux qui courent plus vite sur l’asphalte.
“La montagne n’est pas un parc d’attractions”
Arches gonflables, drones, caméras, merchandising, stands à gogo : certains trails ressemblent plus à des festivals qu’à des courses nature. Pour beaucoup, c’est la dénaturation d’un espace qu’on croyait protégé. Les habitants, eux, supportent le bruit, les embouteillages et les déchets… sans forcément bénéficier des retombées économiques promises.
“Le coût réel pour la collectivité n’est jamais compté”
Derrière les sourires à l’arrivée, il y a des secours mobilisés, des sentiers à réparer, des déchets à collecter. Les organisateurs les plus rigoureux compensent, mais tout n’est pas toujours assumé. Les week-ends de grande affluence, la gendarmerie, le PGHM et les techniciens municipaux sont sur le pont. Beaucoup estiment que cette part du coût, invisible dans la communication des événements, mérite d’être posée.
“Vous ne respectez pas les autres usages”
Randonneurs doublés sans ménagement, VTTistes croisés de face, voitures garées en désordre, chiens sans laisse… La cohabitation devient compliquée. Ce n’est pas le coureur seul qui dérange, mais la multiplication des comportements limites. Et quand chaque incident s’ajoute à un autre, c’est tout un territoire qui finit par saturer.
“Greenwashing : de grands discours, mais beaucoup d’avions”
C’est la critique la plus dure : celle de l’hypocrisie écologique. On prêche la sobriété, mais on s’envole pour “faire” la Diagonale, l’UTMB ou la Western States. On parle d’humilité, mais on accumule les dossards et les équipements. Le trail, disent certains, est devenu un tourisme sportif masqué sous les slogans verts. Et cette contradiction alimente le rejet.
“Le haut niveau pousse les amateurs à l’excès”
Les dérives du monde pro rejaillissent sur la base : dopage, surentraînement, obsession des ultras. Beaucoup d’amateurs s’épuisent à vouloir “cocher” des courses mythiques, sans se demander si ces distances leur font vraiment du bien. Dans l’imaginaire collectif du trail, un 20 km paraît “trop court”, comme si la performance n’existait plus qu’au-delà de la souffrance.
Ce que ces critiques nous apprennent
Ces reproches ne concernent pas tout le monde, mais ils dessinent une ligne rouge : celle de la responsabilité. Courir plus léger, choisir ses horaires, varier ses spots, respecter les randonneurs, limiter les déplacements, covoiturer, lever le pied sur les ultras… Ce sont des gestes simples, mais puissants. Aux organisateurs de suivre : jauges raisonnées, logistique sobre, dialogue avec les habitants, retombées locales tangibles.
Le trail ne fera jamais l’unanimité, et c’est tant mieux. C’est un sport vivant, imparfait, humain. Mais si l’on veut qu’il reste une promesse crédible — celle de courir libre et respectueux — il faudra l’entretenir comme on entretient un sentier : pas à pas, sans s’imaginer qu’il nous appartient.
Ces critiques contre le trail sont-elles justifiées
Oui… et non. Certaines critiques sont parfaitement légitimes lorsqu’elles visent des dérives bien réelles
Pelotons qui saturent des mono-traces fragiles, départs en fanfare à six heures du matin sous les fenêtres des riverains, dossards lointains pris “pour l’Insta”, marquages abandonnés le lundi, voitures garées en vrac au départ des sentiers.
Là, il n’y a pas de débat : si notre passion abîme les chemins, stresse la faune, gêne les habitants ou fait reposer ses coûts sur la collectivité, la critique est justifiée. Elle est même salutaire, parce qu’elle nous oblige à hausser le niveau : jauges raisonnables, périodes de quiétude, concertation amont avec les communes, logistique sobre, covoiturage, courses locales, éducation des coureurs à la priorité des montées et des randonneurs, entretien des traces après l’événement. Quand ces garde-fous existent et sont respectés, la plupart des griefs s’éteignent d’eux-mêmes.
Mais d’autres reproches relèvent davantage d’un procès d’intention.
Accuser “le trail” d’être par essence un sport de classe, bruyant et colonisateur, c’est oublier la réalité des milliers de sorties discrètes, des clubs qui nettoient les sentiers, des organisations qui financent l’entretien, et des coureurs qui découvrent la montagne à pied plutôt qu’en voiture.
Dire que la performance n’a “aucun sens” en nature, c’est méconnaître l’éthique propre du trail, où l’on mesure sa régularité, sa gestion, sa lucidité terrain, plutôt qu’un simple chrono. Quant aux excès du haut niveau, ils ne condamnent pas la pratique en elle-même : ils pointent un imaginaire qu’il faut recadrer, en valorisant l’effort juste, l’ultra choisi et préparé, et le plaisir de courir proche de chez soi.
Au fond, la question n’est pas “le trail est-il coupable ?”, mais “tenons-nous notre contrat social des sentiers ?”
Si nous courons léger, respectons les autres usages, rendons au territoire plus que nous ne lui prenons, et si les organisateurs assument une logistique vraiment exemplaire, alors non, la critique globale n’est pas justifiée. Si nous fermons les yeux sur les nuisances évidentes, alors oui, elle l’est. La balle est dans notre camp : chaque sortie, chaque dossard, chaque décision d’organisation écrit la réputation de toute la communauté. À nous de prouver, par les actes, que courir en nature est une chance pour les territoires, pas une charge.
<span style= »color:#666; »>Mention éditoriale : Texte d’opinion potentiellement clivant, rédigé sans plagiat. L’objectif est d’éclairer la pratique du trail et ses impacts, pas de stigmatiser un groupe d’usagers.</span>
Sources
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