Après avoir lancé la transition écologique sur le semi-marathon de Paris en supprimant les bouteilles plastiques, ASO franchit un cap encore plus radical avec son épreuve reine. Dès 2026, les 55 000 marathoniens attendus devront courir avec leur propre contenant : plus de bouteilles, plus de gobelets aux ravitaillements. Une décision inédite pour un grand marathon international, qui soulève autant d’applaudissements que de critiques.
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Qu’est-ce qui a changé entre 2025 et 2026 ?
En 2025, le marathon de Paris avait déjà supprimé les bouteilles en plastique.
Les coureurs pouvaient encore utiliser des gobelets en carton distribués aux ravitaillements.
En 2026, c’est une rupture totale : Plus aucun contenant jetable ne sera fourni.
Chaque participant devra venir avec sa flasque, son gobelet pliant ou son sac d’hydratation. Pour accompagner ce changement, l’organisation promet davantage de points d’eau rapprochés, des fontaines à remplissage rapide, l’aide de bénévoles et même des zones de brumisation en cas de chaleur.
Objectif affiché : réduire l’empreinte carbone et aligner le marathon sur les standards écoresponsables déjà en vigueur dans le trail. Sauf que la comparaison ne tient pas.
Au marathon de Paris, les organisateurs persistent et signent
Le marathon de Paris est une fête populaire. C’est l’un des rendez-vous sportifs les plus suivis en France, une épreuve qui attire chaque année plus de 55 000 coureurs de tous horizons. On y retrouve des athlètes confirmés, mais surtout une majorité d’amateurs, de passionnés qui s’offrent une expérience unique, parfois le seul marathon de leur vie. En 2026 pourtant, ce monument de la course à pied va changer de visage. Après avoir imposé la suppression des bouteilles et gobelets au semi-marathon, Amaury Sport Organisation (ASO) applique désormais la même recette au marathon.
À première vue, l’initiative semble louable : réduire les déchets, montrer l’exemple en matière d’écologie, aligner le marathon sur les standards déjà en vigueur dans le trail. Mais derrière les beaux discours, la réalité est bien plus complexe. Ce qui fonctionne en montagne ne se transpose pas forcément sur l’asphalte parisien. Et en persistant, les organisateurs risquent de transformer une fête populaire en galère logistique.
L’obsession écologique… ou le greenwashing ?
ASO met en avant un argument fort : limiter l’impact écologique de l’événement. Plus de bouteilles en plastique, plus de gobelets en carton, chaque coureur devra venir avec son propre contenant. Flasque de 350 millilitres, gobelet pliant, sac d’hydratation : à chacun de choisir son équipement. Sur le papier, l’idée paraît moderne, pionnière même. Le marathon de Paris deviendrait le premier grand marathon international à imposer cette règle.
Mais la question se pose : s’agit-il d’un vrai tournant ou d’un coup de communication ? Car l’empreinte carbone d’un marathon ne se joue pas sur les bouteilles d’eau. Elle repose d’abord sur les déplacements des participants, dont une grande partie vient de l’étranger. À ce jour, ces voyages représentent plus de 90 % des émissions liées à l’épreuve. Supprimer les gobelets, c’est un geste, certes, mais marginal à l’échelle du problème. Et quand on voit que dans le même temps, le prix du dossard grimpe entre 135 et 179 euros, beaucoup de coureurs y voient surtout une manière de donner des leçons écologiques tout en réduisant les coûts logistiques.
La culture du trail n’est pas celle du marathon
Dans le monde du trail, cette pratique n’a rien de choquant. Chaque participant sait qu’il doit être autonome. Le matériel obligatoire fait partie du jeu : gobelet réutilisable, flasques souples, sac à dos. Mais le marathon, c’est différent. On ne parle pas de 3000 traileurs aguerris dans les Alpes, mais de 55 000 coureurs, dont une grande partie sont des amateurs. Beaucoup n’ont jamais couru avec un sac, et encore moins avec une flasque à la main.
Pour certains, le marathon de Paris est l’aboutissement de plusieurs années d’entraînement, l’accomplissement d’un rêve. Ils ne sont pas venus pour tester du matériel technique ou pour reproduire les codes du trail. Ils veulent simplement vivre une course fluide, bien organisée, avec des ravitaillements clairs et accessibles. Imposer une autonomie forcée revient à dénaturer l’esprit de l’événement.
Le risque sanitaire : crampes, déshydratation et casse-tête logistique
L’eau n’est pas un détail sur marathon. Elle est le carburant vital qui permet de tenir 42 kilomètres et 195 mètres. Supprimer les bouteilles et les gobelets, c’est transférer toute la responsabilité sur les épaules des coureurs. Et la réalité de la course risque d’être bien différente de la théorie présentée par ASO.
Les organisateurs assurent qu’une flasque se remplit en deux secondes à une fontaine. Mais qui croit vraiment que 55 000 personnes pourront se servir sans encombre ? Les files d’attente sont inévitables, surtout aux moments critiques de la course, au 30e ou 35e kilomètre, là où le corps réclame le plus d’eau. Avec la fatigue, les mains tremblantes, les flasques mal vissées ou les gobelets pliants qui s’affaissent, l’opération risque de tourner au cauchemar.
Résultat prévisible : des coureurs qui boivent trop peu, trop tard, ou pas du tout. Le cocktail parfait pour multiplier les crampes, les malaises et les abandons. Un comble pour une épreuve censée célébrer la performance et la convivialité.
Une décision qui fâche les coureurs
Depuis l’annonce, les réactions ne se sont pas fait attendre. Sur les réseaux sociaux, la colère monte. “Au prix du dossard, c’est abusé !”, “Ils donnent de moins en moins et ça coûte de plus en plus cher !”, “Bientôt, il n’y aura même plus de médaille”… Les critiques se multiplient, venant aussi bien d’habitués que de néophytes.
Cette frustration s’ajoute à une tendance déjà inquiétante : l’inflation du prix des dossards. Alors que les inscriptions au marathon de Paris coûtent parfois plus de 170 euros, beaucoup de coureurs estiment qu’ils en ont désormais moins pour leur argent. Supprimer bouteilles et gobelets est perçu comme une nouvelle régression, un symbole d’épreuve déconnectée de son public.
Le parallèle raté avec le semi-marathon
La polémique n’est pas nouvelle. Quelques mois plus tôt, le semi-marathon de Paris avait déjà servi de terrain d’expérimentation. Là aussi, ASO avait supprimé les bouteilles pour tester le dispositif. Les critiques avaient fusé, mais au lieu de revoir leur copie, les organisateurs persistent. Le marathon devient le prolongement de cette stratégie, comme si l’opposition des coureurs n’avait aucune importance.
En reproduisant la même erreur, ASO prend le risque de dégrader durablement son image. Car si le semi reste une course de préparation pour beaucoup, le marathon est un rendez-vous majeur. Les attentes sont plus fortes, les émotions aussi. Le mécontentement risque donc d’être amplifié.
Une fête populaire en danger
Le marathon de Paris, c’est plus qu’une course. C’est un moment où la ville entière se transforme en piste géante, où des milliers de spectateurs encouragent les coureurs dans une ambiance unique. Mais cette fête repose aussi sur une organisation millimétrée. Si l’hydratation devient un casse-tête, l’expérience globale risque de s’en trouver gâchée.
À vouloir trop se rapprocher du trail, les organisateurs oublient la nature même du marathon : une épreuve accessible, ouverte, qui ne demande pas un équipement sophistiqué. Le danger, c’est de transformer ce rendez-vous populaire en course élitiste, réservée à ceux qui maîtrisent déjà les codes techniques du sport outdoor.
Une erreur stratégique
En voulant être pionnier, le marathon de Paris prend un risque énorme. L’écologie est une cause juste, mais la méthode choisie ressemble plus à une provocation qu’à une avancée. L’organisation répète les erreurs du semi, comme si l’avis des coureurs ne comptait pas. Et à force de tirer sur la corde, ASO pourrait bien finir par casser l’un des symboles du sport français.
Le marathon de Paris mérite mieux qu’un coup de com’. Il mérite une vision qui conjugue durabilité et respect de son identité. Pour l’instant, les organisateurs s’entêtent. Et l’erreur du semi est en train de devenir la faute du marathon.
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Le marathon de Paris, en choisissant à son tour une suppression totale des bouteilles et des gobelets dès 2026, reprend une logique similaire. Notre rôle n’est pas de trancher mais de rendre compte des choix organisationnels et des réactions qu’ils provoquent.