Joyline Chepngeno : pourquoi elle a tout avoué – et qui protège-t-elle vraiment ?
Un aveu trop rapide pour être anodin
Joyline Chepngeno n’a pas cherché à se défendre après son contrôle positif à la Triamcinolone. Pas d’appel, pas de contre-analyse demandée, pas de communication publique pour expliquer les circonstances. Cette acceptation expresse de la sanction soulève une question : protège-t-elle quelqu’un ? Et si oui, qui ?
Notre analyse s’appuie sur l’excellent travail d’enquête réalisé par le média spe15.fr, qui a recueilli les réactions de l’entraîneur Julien Lyon, de la Clinique du Coureur et d’Adrien Séguret. Les citations intégrées sont extraites de cet article de référence, que nous recommandons à nos lecteurs pour sa précision et sa rigueur journalistique.
Source spe15.fr : « Joyline Chepngeno ne s’est nullement défendue, a accepté très rapidement sa suspension, sans se défendre. »
Interprétation : nous reprenons ce fait pour interroger les raisons de ce silence.
Les responsabilités dans cette affaire de dopage
1- Les premières lignes de responsabilité : Julien Lyon et les Milimani Runners
L’entraîneur suisse Julien Lyon est la première victime collatérale de cette affaire. Banni de Sierre-Zinal avec tout son groupe, il nie toute implication et répète qu’il n’a jamais été informé de la prise du produit par Chepngeno. Pourtant, son rôle de manager, sa proximité avec l’athlète et l’encadrement médical qu’il coordonne font de lui un maillon essentiel. En ne parlant pas, Chepngeno évite de dire qui a prescrit ou injecté la substance — ce qui pourrait directement pointer sur son staff.
Source spe15.fr : « Julien Lyon a pris de plein fouet cet engagement de Sierre Zinal, […] et répète à l’envi l’étonnement de découvrir que Joyline Chepngeno avait eu recours à une prise d’un corticoïde […] sans l’en informer. »
Interprétation : nous soulignons que son rôle reste central et que le silence de Chepngeno le protège de toute mise en cause directe.
2- Salomon, acteur majeur sous pression
Le groupe Milimani Runners évolue sous les couleurs de Salomon, qui a initié ce projet pour structurer un team international, avec encadrement médical et technique. Adrien Séguret, sollicité par la marque pour la partie entraînement, a reconnu avoir cessé sa collaboration après avoir constaté que ses plans n’étaient pas toujours appliqués comme prévu, et il en a informé Salomon. Il ne fait toutefois état d’aucune alerte sur un dopage avéré.
Source spe15.fr : « Après plusieurs mois, cet été, Adrien Séguret soutient avoir stoppé l’envoi des plans d’entraînement, et avoir informé Salomon de cette situation. »
Interprétation : nous précisons que cette alerte concernait l’application des séances et non un dopage connu.
Le silence de Joyline Chepngeno, en revanche, évite que l’on cherche à savoir comment un problème médical suivi de longue date a abouti à l’usage d’une substance interdite sans qu’aucune AUT ne soit demandée. Si l’on découvrait qu’un encadrement validé ou soutenu par Salomon a laissé passer ce traitement, l’image de la marque pourrait être directement éclaboussée.
Source spe15.fr : « Le problème de genou de Joyline Chengeno était bien connu de l’équipe de la Clinique du Coureur, du coach Julien Lyon, et par ricochet du Team Salomon. »
Interprétation : nous en déduisons que l’absence de demande d’AUT est un point sensible pour tout le dispositif médical.
3- Adrien Séguret se protège aussi
Les déclarations publiques d’Adrien Séguret montrent qu’il cherche à tracer une frontière très nette entre son rôle de conseiller et les décisions finales prises par Julien Lyon. Il insiste sur le fait qu’il n’a vu le groupe que deux jours sur place, qu’il n’a pas fait de mesures physiologiques, et qu’il s’est limité à proposer des parcours et des plans. En précisant qu’il a cessé toute collaboration avant l’été, il se met à distance d’un scandale qu’il semble anticiper. Chepngeno, en ne donnant aucun détail sur l’origine du traitement, lui permet de conserver cette position d’observateur extérieur.
Source spe15.fr : « Je ne suis jamais allé courir avec eux. Je n’ai pas fait de mesures physiologiques, mesures de VO2 ou autres. […] Après plusieurs mois, cet été, Adrien Séguret soutient avoir stoppé l’envoi des plans d’entraînement. »
Interprétation : nous voyons dans ces précisions une volonté de se protéger en cas de polémique.
4- Les experts médicaux : la Clinique du Coureur en arrière-plan
Les problèmes de genou de Chepngeno étaient connus de la Clinique du Coureur, qui a accompagné les Milimani Runners au Kenya et suivi plusieurs athlètes de près. Dire où, quand et par qui le produit a été administré reviendrait aussi à mettre en cause le dispositif médical autour d’elle. Son silence protège donc indirectement ces partenaires, qui auraient été interrogés sur leur rôle, leur suivi et leurs recommandations.
Source spe15.fr : « Benoît Dubois, a été présent trois fois au Kenya pour des camps d’entraînement et formations, et également pour l’organisation de l’Iten Trail. Dans ce cadre, il avait d’ailleurs rencontré Joyline Chepngeno à plusieurs reprises pour des problèmes liés à son genou. »
Interprétation : nous constatons que l’information médicale était connue, d’où l’importance de savoir qui a validé ou non la compétition.
5- Sierre Zinal et les Golden Trail World Series
En acceptant sa suspension sans contester, Chepngeno permet aussi à Sierre-Zinal – épreuve phare du circuit Golden Trail World Series, organisé et sponsorisé par Salomon – de refermer le dossier rapidement. Pas d’audition, pas de polémique qui s’étire sur plusieurs semaines : la sanction tombe, la prime est annulée et le circuit peut continuer à se présenter comme la vitrine mondiale du trail sans devoir s’expliquer en détail sur ce nouveau cas de dopage.
Source spe15.fr : « L’organisation de Sierre Zinal prenait alors la décision de modifier radicalement son règlement […] ces mesures très particulières sont donc dès maintenant appliquées. »
Interprétation : nous analysons que cette application immédiate permet à l’épreuve de clore rapidement l’affaire et de protéger son image.
Coupable ou pas, le résultat est le même : dans cette affaire, tous les acteurs européens et nord-américains s’en sortent sans remise en cause profonde.
Le poids de la faute repose entièrement sur Joyline Chepngeno, seule à porter publiquement la sanction. Cette mécanique contraste avec d’autres cas récents dans le trail, comme celui de Stian Angermund : contrôlé positif, il a pu revenir sur les circuits sans détailler précisément les circonstances de son cas, et la communauté l’a rapidement réintégré.
Cette différence de traitement soulève des questions légitimes. Quand l’athlète est une femme kenyane issue d’un pays en crise de dopage, la sanction devient un symbole et l’affaire fait la une. Quand il s’agit d’un homme blanc européen, le pardon semble plus rapide et la polémique s’éteint plus vite.
Cette affaire met ainsi en lumière un problème plus large : l’existence d’un double standard qui touche plus durement les athlètes africains. Elle interroge sur l’existence possible de biais systémiques – voire raciaux – dans la façon dont le monde du trail réagit aux cas de dopage.
Si le trail veut rester crédible, il devra appliquer les mêmes standards de transparence et de sanction à tous les athlètes, sans distinction d’origine.
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SOURCE
Cet article se base exclusivement sur des informations publiées par des sources accessibles au public, notamment l’enquête de spe15.fr du 15 septembre 2025. Les citations reproduites sont exactes et identifiées comme telles. Les interprétations, analyses et hypothèses formulées dans ce texte relèvent d’un travail journalistique et éditorial visant à apporter un éclairage critique sur l’affaire.
Il ne s’agit en aucun cas d’affirmer l’existence d’une faute, d’une négligence ou d’une implication directe de personnes physiques ou morales autres que celles déjà mentionnées dans les communiqués officiels et décisions d’organisations comme Sierre-Zinal. Les noms cités le sont uniquement pour replacer les faits dans leur contexte, sur la base de leurs propres déclarations publiques.
Les questions soulevées sur les responsabilités, les flux financiers ou les procédures de contrôle anti-dopage ne sont que des hypothèses journalistiques et ne doivent pas être interprétées comme des affirmations définitives. Toute personne ou entité citée bénéficie de la présomption d’innocence tant qu’aucune décision de justice ou sanction officielle ne vient établir le contraire.
Conformément à l’article 13 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, toute personne citée dans cet article peut exercer son droit de réponse en nous écrivant.