La suspension de Chepngeno après sa victoire à Sierre-Zinal entraîne le ban total des Milimani Runners. Un coup fatal pour l’image du Kenya dans le trail.
Milimani Runners Kenya dopage trail
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Née à Iten sous l’impulsion de l’entraîneur suisse Julien Lyon, l’équipe Milimani Runners devait ouvrir au Kenya les portes du trail mondial. En trois saisons, le projet est passé de l’enthousiasme à la tourmente, entre victoires retentissantes et deux affaires de dopage liées à Sierre-Zinal, jusqu’à un bannissement inédit. Récit d’une ascension fulgurante et d’une chute brutale.
Milimani Runners, un projet né au cœur d’Iten
À la fin de 2021, Julien Lyon, ancien marathonien suisse installé à Iten, lance un projet inédit : transposer au trail la culture de performance qui fait la renommée du Kenya en athlétisme. Il fonde Milimani Runners, présenté comme le premier team professionnel de trail basé au Kenya.
Dès ses débuts, l’équipe bénéficie d’un soutien de la marque On Running, qui accompagne la logistique et favorise l’accès aux grandes classiques européennes. L’ambition affichée par Lyon est claire : créer une passerelle entre la vitesse des routiers kenyans et les sentiers techniques européens.
L’ascension express
Dès 2022, le nom Milimani apparaît sur les podiums européens. Les athlètes formés à Iten se distinguent rapidement, notamment sur des formats rapides comme Sierre-Zinal. L’équipe attire l’attention médiatique et suscite la curiosité : le Kenya, jusque-là absent du trail international, est désormais représenté.
En 2025, le projet franchit un nouveau cap avec l’annonce d’un partenariat officiel avec Salomon. Désormais, Milimani Runners se présente comme une structure reconnue, avec un staff identifié, un calendrier international et le soutien d’un grand équipementier.
Premier choc : Sierre-Zinal 2022
Mais l’été 2022 révèle les fragilités du projet. Vainqueur à Sierre-Zinal, Mark Kangogo est contrôlé positif à la norandrostérone (stéroïde anabolisant) et à la triamcinolone acétonide (glucocorticoïde). Il est disqualifié et suspendu, et la victoire est annulée. Cet épisode, largement commenté, entache déjà la crédibilité de l’équipe.
Dans la même période, une autre Kényane, Esther Chesang, perd sa victoire à Sierre-Zinal après un contrôle positif à la triamcinolone (prélevé lors d’une autre compétition). Même si elle ne faisait pas partie de Milimani, son cas alimente l’idée d’un problème plus large autour de l’usage de corticoïdes dans le haut niveau.
Relance et grandes ambitions
Après ce premier coup dur, l’équipe s’efforce de relancer son projet. Communication renforcée, nouveaux athlètes, staff structuré : Milimani se veut le symbole d’un Kenya du trail en devenir. Le partenariat avec Salomon en 2025 consacre cette ambition : les athlètes arborent désormais une visibilité mondiale, intégrée au circuit Golden Trail Series.
L’ambition est présentée comme simple et forte : montrer que le Kenya peut, comme sur marathon, jouer les premiers rôles en trail international.
La rechute qui change tout : l’affaire Chepngeno (2025)
Le 9 août 2025, Joyline Chepngeno s’impose à Sierre-Zinal. Le 28 août, elle gagne l’OCC à l’UTMB Mont-Blanc. Deux victoires majeures en trois semaines : pour Milimani, c’est une consécration.
Mais le contrôle antidopage effectué à Sierre-Zinal révèle la présence de triamcinolone acétonide, corticoïde interdit en compétition par voie injectable sans AUT (autorisation d’usage à des fins thérapeutiques). L’Athletics Integrity Unit notifie l’athlète le 1er septembre, puis publie le 9 septembre une suspension de deux ans et l’annulation de tous ses résultats depuis le 9 août.
L’onde de choc est immédiate : deux victoires disparaissent du palmarès, et l’équipe se retrouve à nouveau associée à un scandale antidopage, trois ans après Kangogo.
Le communiqué de Sierre-Zinal : des sanctions qui dépassent l’athlète
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Dans la foulée, l’organisation de Sierre-Zinal publie un communiqué sans précédent. La disqualification de Chepngeno est actée, mais l’épreuve élargit ses sanctions :
- interdiction de participation pour Chepngeno pendant deux ans,
- suspension de toute implication de l’entraîneur Julien Lyon,
- bannissement de l’ensemble des Milimani Runners des futures éditions,
- remboursement des frais engagés,
- possibilité de demander une indemnisation pour atteinte à l’image.
Ce choix, exceptionnel dans le monde du trail, marque une inflexion : l’organisation sanctionne non seulement l’athlète, mais aussi l’encadrement et la structure, invoquant la nécessité de protéger l’image de l’épreuve et d’accompagner la pédagogie antidopage.
Sponsors et image : la note salée
L’annonce de la suspension entraîne des réactions rapides. Salomon, qui avait intégré Chepngeno à son collectif, met fin immédiatement au partenariat avec l’athlète. Pour Milimani, l’impact est lourd : perte de crédibilité, suspicion durable, exposition médiatique compromise.

Milimani Runners : Kenya dopage trail
Le futur de Milimani Runners est incertain. Le bannissement de Sierre-Zinal prive l’équipe d’une vitrine symbolique. Les athlètes non concernés paient aussi : moins d’invitations, moins d’exposition, davantage de soupçons. Pour survivre, l’équipe devra démontrer sa capacité à instaurer des pratiques médicales rigoureuses, à éduquer ses coureurs et à regagner la confiance des organisateurs et des partenaires.
Milimani Runners restera comme l’histoire d’un rêve ambitieux – inscrire le Kenya au sommet du trail – mais abîmé par deux scandales en trois ans. Pour Julien Lyon et son équipe, la seule voie envisageable semble être celle de la transparence et de la conformité stricte. Pour le trail, la leçon est claire : l’intégrité est désormais un pilier aussi central que la performance.