A Chamonix
130 000 euros, 200 figurants, une arche d’arrivée gonflable, et une médaille en chocolat : un pseudo-traileur a tout orchestré pour vivre sa journée de « champion du monde du trail en solo ». Un délire grandeur nature qui fait beaucoup (trop) parler dans la vallée.
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A Chamonix, un beau package touristique pour faire un grand podium
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Ce dimanche 22 juin au matin, les habitants de Chamonix se sont réveillés avec des fumigènes, des drones, une sono criant « And the winner is… » et un homme visiblement en sueur, les bras levés sous une arche gonflable estampillée « UTMB » (mais avec une faute d’orthographe : « UTNB »).
Ce business improbable est né d’un fait divers devenu viral : à l’été 2024, un traileur frustré aurait déboursé 130 000 euros pour s’offrir un faux podium à Chamonix. Il avait tout orchestré : arche gonflable, figurants, speaker, dossard acheté sur internet… et même des applaudissements enregistrés. La scène, filmée et mise en ligne, a enflammé les réseaux.
C’est en voyant le succès de cette mise en scène que trois entrepreneurs de Haute-Savoie ont eu l’idée de démocratiser le concept : offrir à chacun la possibilité de « gagner » un trail mythique, pour seulement 5 000 euros, grâce à un pack clé en main. C’est ainsi qu’est née FinisherDream.
Une « journée de podium » achetée sur mesure
Parmi les éléments loufoques repérés par des passants :
– un faux speaker qui hurlait son nom en boucle dans une sono saturée,
– des spectateurs avec des pancartes « Bravo champion ! » mal imprimées,
– et une interview montée de toutes pièces, filmée avec un filtre « épique ».
Le pseudo-traileur, connu sur les réseaux sous le pseudo « TrailBae69 », se serait offert cette journée pour « rendre hommage à tous ceux qui doutaient de lui ».
Mais la supercherie a rapidement été éventée : plusieurs commerçants de Chamonix ont reconnu l’homme pour l’avoir vu… abandonner au km 13 de la course du Mont-Blanc l’an passé, pour cause de « trop de cailloux ».
Réactions outrées… et fascinées
Les autorités locales ont confirmé que la privatisation n’était pas autorisée et qu’une enquête administrative est en cours. De son côté, l’intéressé se défend :
« Ce n’est pas une fraude, c’est une performance artistique immersive. »
Dans le petit monde du trail, les réactions oscillent entre consternation et admiration pour tant de culot.
Un traileur élite, sous couvert d’anonymat, confie :
« J’ai souffert 10 heures sous la pluie pour finir 15e… Lui, il a un podium sec et un traiteur bio. Peut-être que c’est moi l’idiot. »
Selon nos informations, une start-up spécialisée dans l’événementiel outdoor serait déjà en train de plancher sur une formule « Podium Experience ».
Pour 5 000 à 15 000 euros, les clients pourront choisir leur lieu (Chamonix, Zegama, Hardrock), leur chrono fictif, la bande-son de leur finish, et même le nom de leur course imaginaire. Les options haut de gamme incluent : un faux speaker, des applaudissements enregistrés, et un post Instagram généré par IA. Le slogan envisagé ?
Les habitants de Chamonix n’en peuvent plus
L’affaire a ravivé une exaspération latente parmi les habitants de la vallée, déjà saturés par les innombrables événements qui envahissent les rues été comme hiver.
« Un jour c’est l’UTMB, le week-end d’après c’est le Marathon du Mont-Blanc, puis le Trail des Aiguilles Rouges… Et maintenant, faut qu’on supporte des podiums fictifs avec DJ et influenceurs ? », soupire Martine, 68 ans, qui tient un salon de thé dans le centre.
« À ce rythme, on va finir par devoir réserver notre trottoir sur Doctolib pour sortir acheter du pain », plaisante Lucien, ancien guide de haute montagne.
« J’en peux plus. J’ai vu un mec simuler une arrivée victorieuse devant l’église. Il avait même un faux speaker qui gueulait son nom. », s’énerve Jules, saisonnier chamoniard.
Du côté des traileurs du dimanche et des coureurs de segment, la nouvelle n’a pas choqué tout le monde. Pour certains, c’est même une libération.
« Avant on se tapait des Strava-jockeys prêts à acheter un vélo de route juste pour défendre un KOM en descente. On vivait dans la peur que notre segment perso soit supprimé par l’algorithme de Strava. Là, franchement, c’est plus sain : au moins tout le monde peut s’offrir un podium. », souffle Jérémy, traileur amateur de la vallée.
« Si ça se trouve, c’est la fin de l’humiliation numérique. Plus besoin de se faire griller par les mecs qui calent des fractionnés sur les sentiers touristiques. On va enfin pouvoir faire croire à tout le monde qu’on a gagné l’UTMB. Avec photo à l’arrivée, speaker perso, et arche gonflable. », rigole Laetitia, qui avoue déjà réfléchir à offrir l’option à son copain pour son anniversaire.
Dans un monde où l’important n’est plus de courir vite mais d’avoir la photo finish qui claque, ce nouveau business modèle pourrait bien séduire bien plus de monde qu’on ne l’imagine…
Même la mairie commence à tiquer : « On adore le trail, mais là on frôle le délire. Chamonix, ce n’est pas un décor en libre-service pour les influenceurs. »
Ce que disent les experts : entre besoin de reconnaissance et illusion de performance
Pour Jeanne Dumas, sociologue du sport à l’université de Grenoble, ce phénomène n’est pas si absurde qu’il en a l’air.
« Le trail est devenu un marqueur social. Il ne suffit plus de courir, il faut être vu en train de réussir. Ce type de mise en scène achète un statut, une légitimité symbolique dans une société obsédée par la performance et les récits de dépassement. »
Même constat du côté de Marc Bellanger, psychologue clinicien spécialisé dans les troubles liés aux réseaux sociaux :
« Ce n’est pas tant l’envie de tricher qui domine ici, mais plutôt une angoisse de ne pas exister. On parle de personnes qui veulent figer un moment de gloire, comme on fait une photo de mariage. Le problème, c’est quand cette mise en scène devient plus valorisée que la réalité du sport elle-même. »
À ce rythme, on peut s’attendre à voir fleurir les packages « Marathon fictif à Central Park », ou « Ultra solo dans les Calanques sans autorisation mais avec drone », pour alimenter un nouveau marché du « finisherisme émotionnel ».
Résumé
Une start-up baptisée FinisherDream lance un concept inédit : pour 5 000 euros, vous pouvez privatiser une partie de Chamonix et vivre une fausse arrivée de trail comme si vous aviez remporté l’UTMB. Arche gonflable, figurants, speaker, ambiance sonore et photographe sont au programme. L’idée ? Offrir aux amateurs la photo finish de leur rêve, sans avoir à courir. Une dérive qui interroge sur le besoin de reconnaissance, mais qui séduit déjà certains… et attire les investisseurs.
Statistiques, le business du podium fictif en chiffres
Selon les données internes de FinisherDream,
– 12 400 traileurs français publient chaque année une photo d’arche d’arrivée sans avoir terminé la course — souvent prise avant le départ ou à l’échauffement.
– En parallèle, plus de 37 % des coureurs amateurs interrogés lors d’un sondage en ligne ont avoué avoir déjà enjolivé leur chrono ou leur classement sur les réseaux sociaux.
– La société estime que le marché potentiel du « finisher fictif » représente 10 000 clients par an en Europe, avec une cible prioritaire : les trentenaires urbains actifs, amateurs de storytelling, peu disponibles pour s’entraîner mais très engagés sur Instagram.
– Depuis son lancement en mai 2025, FinisherDream aurait déjà enregistré 64 réservations, principalement à Chamonix, Annecy, Gérardmer… et même Paris, dans une version urbaine du concept proposée sur les Buttes-Chaumont.
FAQ
Combien coûte le pack de base ?
Le pack « Podium Classique » est facturé 4 990 € TTC. Il inclut :
– la privatisation de 50 mètres de la Place de l’Amitié à Chamonix,
– une arche gonflable générique « Trail Experience »,
– un speaker freelance pendant 20 minutes,
– une médaille sur mesure avec votre nom,
– 20 figurants (bénévoles ou intermittents au choix),
– un photographe professionnel avec export optimisé Instagram.
Quelles sont les options ?
– Arche UTMB réplique exacte : + 800 €
– Dossard personnalisé (avec faux chrono imprimé) : + 300 €
– Vidéo finish au ralenti drone + musique épique : + 1 200 €
– Coach pour vous expliquer où lever les bras : + 90 €
– Option « prolongation émotion » avec pleurs simulés : + 70 €
Y a-t-il une assurance ?
Oui. Le pack comprend une assurance « Blessure d’égo », couvrant tout commentaire négatif sur les réseaux sociaux. Une clause d’annulation sans preuve d’entraînement est également prévue.
Combien de clients visés la première année ?
La société vise 40 clients en 2025 pour des sessions « premium » et table sur 150 prestations à l’horizon 2026, en incluant d’autres lieux symboliques (Zegama, Hardrock, Diagonale des Fous).
Qui finance le projet ?
Une première levée de fonds de 1,2 million d’euros a été bouclée en juin 2025, portée par un pool d’investisseurs comprenant :
– un ancien traileur reconverti dans le NFT,
– une agence de marketing expérientiel,
– un influenceur sport connu pour ses faux records Strava.
La société prévoit une deuxième levée en 2026 pour lancer une application mobile permettant de commander son podium en 3 clics.
Peut-on réserver sans être traileur ?
Oui. Un simulateur d’effort est prévu pour ceux qui veulent ressembler à un finisher (cheveux décoiffés, flaque d’eau, boue artificielle) sans avoir à gravir le moindre D+.
Sources
– Université de Lausanne – Laboratoire Sport et Société, étude « Identités sportives numériques : entre performance réelle et auto-mise en scène », publiée en novembre 2024.
– SportScanner, baromètre « Trail, ego & réseaux sociaux », vague 1 – mars 2025.
– FinisherDream – Données internes de lancement, rapport aux investisseurs, mai 2025.
– INSEP – Observatoire de la pratique sportive amateur, enquête continue 2023–2024.
– Journal of Digital Performance, article « The Rise of Fictive Finish Lines in Outdoor Sports Culture », vol. 12, n°1, janvier 2025.