Journal d’un confiné : J28 à J36
Avec l’annulation du marathon de Berlin, l’hypothèse d’une annulation pour l’UTMB, l’idée d’une saison totalement blanche en 2020 commence à faire tout doucement son chemin. Ça fait mal au coeur, car on commencerait presque à craindre qu’il n’y ait plus rien avant qu’un vaccin contre le covid ne sorte… Alors je sais bien que les gros événements sont plus à risque que les petits, mais il ne suffit que d’un cas. Le respect des normes d’hygiène et des distanciations est en soi suffisant, mais dans un sas de départ type UTMB ou marathon de Paris, d’office on oublie. Pour les plus petits, c’est envisageable ?
L’autre point qui peut paraître inquiétant à certains égards (et si un professionnel de santé tombe sur ce paragraphe, qu’il n’hésite pas à donner son avis), c’est que si les événements reportés à l’automne sont maintenus et que, juste après, une deuxième vague arrive, est-ce que ce ne sera pas trop dangereux ? Sachant qu’on a le système immunitaire un peu fatigué après un ultra (voire moins, si on va chercher un chrono), est-ce qu’on a plus de risques de choper le virus et si oui, a-t-on plus de chance qu’il se développe plus gravement ?
Les derniers chiffres étant moins négatifs (on ne va pas dire plus positif de suite, soyons prudents), on commence tout doucement à penser à l’après, et aux moments où l’étau commencera à être relâché, tant en France qu’en Belgique. Autant j’ai hâte d’y être, autant des fois j’ai l’impression que ça m’indiffère tant qu’on en sait pas plus sur le maintien ou pas des événements sportifs. Est-ce que ça veut dire que j’ai une vie d’une absolue tristesse si elle n’est liée qu’au sport ? Pas forcément, enfin, je ne crois pas.
Une autre raison qui fait que j’ai hâte qu’on ait un peu de recul sur tout ce capharnaum serait de voir si cette maladie était une réelle catastrophe en elle-même ou si c’est juste sa contagiosité excessive qui a mis la lumière sur nos limites (notamment les casses dans les hôpitaux ou le manque d’hygiène dans les écoles).
Ça a beau faire cinq à six semaines qu’on est confinés, dans un espèce d’univers parallèle, il m’arrive encore de me dire par moments qu’on est dans un cauchemar collectif dont on va bien finir par se réveiller. Tout paraît tellement irréel à certains égards.
Dès que je dois aller faire des courses, j’ai l’impression de devenir le fruit d’une union entre Monk et un ninja.
Plus les jours passent, plus la notion du temps est difficile à garder. Par moments, j’ai l’impression de me retrouver dans l’Arrache Cœur de Boris Vian. D’ailleurs, si vous avez un peu de temps à perdre, je vous conseille largement de le lire. C’est un des meilleurs romans de l’histoire de la littérature française, écrit par un des plus grands génies littéraires (et pas seulement) de l’histoire de France.
Je pensais que la pratique du sport allait évoluer chez moi avec le confinement. Mais je me rends bien compte que la course à pied avec pour finalité l’effort présent, et pas un truc à plus long terme, ce n’est pas fait pour moi. La compétition me manque. J’ai besoin de ça. S’entretenir c’est une chose, mais un programme plus spécifique, une préparation minitieusement planifiée et tout ce qui tourne autour (les étirements, l’alimentation, le sommeil, la méditation, la PPG), ça me botte beaucoup plus… Tout mettre en musique pour arriver à un état de forme optimal le jour J et parvenir à aller au-delà de ses limites, ça me correspond beaucoup plus que de courir 10 à 15km tous les deux jours sans avoir de but supplémentaire que profiter du moment présent. En revanche, je dois bien reconnaître que j’ai de plus en plus d’admiration pour les gens qui arrivent à fonctionner de la sorte. Cette histoire m’aura en tout cas appris que j’en suis incapable.