La suite des 4 premiers jours de confinement de notre traileur…
Jours 5, 6 et 7 de confinement…
Journal d’un traileur confiné, Jour 5
L’obsession du jour est de ne pas grossir. Ce qui me rassure, c’est que je ne suis pas le seul à craindre de finir cette période de confinement obèse et alcoolique (car éviter les apéros tous les jours, j’avoue que c’est moins évident que je ne l’aurais cru). Alors c’est le gros dilemme entre ne rien acheter de superflu, et ne rien trouver en cas de problème de pénurie (même si j’ai du mal à croire qu’on s’y trouvera).
Une autre question qui commence à me tarauder est de savoir où en est ma condition physique. Sachant que j’étais plus ou moins aux trois quarts de ma préparation pour le marathon de Paris et que je partais sur un 3h15, je me dis qu’elle ne doit pas être trop dégueu, du moins pour le moment… En attendant que ça se tasse, je suis en mode coupure annuelle et avec un peu d’optimisme, je me dis que ça me permettra de commencer ma préparation pour août en étant bien frais. Circuit training, vélo d’appartement, étirements… En attendant de voir si je cours un peu ou pas (sachant que chez nous, en Belgique c’est encore autorisé, voire encouragé).
Face à l’ennui et à la solitude, je me demande bien qui est notre pire ennemi. Les chaînes d’information, ou les réseaux sociaux ? Car si les journalistes jouent à faire peur et orientent l’info d’un point de vue très négatif, les experts interrogés sont en général un peu plus tempérés et tentent de remettre les choses dans leur contexte, voire dans un contexte un peu plus général.
Et si les réseaux sociaux sont peut-être actuellement le meilleur moyen de garder un peu de lien social, ils ont également tendance à montrer le pire de chacun en temps de crise (tant dans le mal, que dans la stupidité, que dans la paranoïa, que dans la crédulité). Sacré miroir pas si déformant que ça.
Je rejouerais bien un peu à The Last Of Us. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un jeu vidéo où, après une pandémie, deux personnages essaient de survivre dans un univers post apocalyptique avec des infectés et des gens qui deviennent complètement dingues. Bon, après réflexion, on peut peut-être éviter.
Journal d’un traileur confiné, Jour 6 :
Pas mal de stress hier soir (souvent au moment où le soit tombe en fait). Toujours partagé entre le relativisme des uns et le catastrophisme des autres, j’ai toujours du mal à savoir sur quel pied danser. Oui, la situation est étrange, voire flippante. Cependant, la seule chose qui ne ment pas, ce sont les chiffres, et quand je vois ce qu’ils nous disent, j’avoue avoir tendance à être rassuré (on ne mentionne que trop rarement ceux qui guérissent sans passer par l’hôpital, et ceux qui sortent de l’hôpital. Et surtout, je reste convaincu que si on testait tout le monde, le taux de létalité du virus serait beaucoup plus bas).
Ce midi, pendant que je prenais mon café, je me suis revu à la Saintélyon en 2018. Pendant deux heures plus ou moins, ce fut un véritable enfer. Au 30ème km, une descente de 1500 mètres avec de la boue jusqu’à mi mollets. Un ravitaillement avec une banderole sur laquelle on pouvait lire « courage, plus que 55km », l’impossibilité de changer d’habits à l’abri. Puis cette côte au 37ème km… Et ce kilomètre à mi-course à flanc de colline, avec la pluie et le vent… Je n’imaginais pas pouvoir ressentir plus de solitude qu’à ce moment-là. Et bien en fait, si, c’est possible. C’est décidé, en décembre, je retourne à la Sainté.
Au vu de la situation qui est en train de se produire, c’est peut-être un peu cynique de le penser, et de l’écrire, mais je suis presque soulagé que ma grand mère soit partie avant tout ce bordel; on a au moins eu le temps de lui dire au revoir comme il se devait (et comme elle le méritait) et elle restera plus qu’une unité parmi des dizaines de milliers d’autres. Et je suis d’autant plus peiné et désolé pour tous ceux qui perdront un proche ou qui en ont perdu pendant cette épidémie.
Journal d’un traileur confiné, Jour 7
Aujourd’hui marque une sorte d’étape (qui, si ça se trouve, n’en est pas du tout une). Ça va faire pile 14 jours que j’ai, du moins de mon point vue, assisté à mon dernier événement public ; il s’agissait du carnaval à l’école ma choupette. C’est très bête, mais en ce moment, je regarde un peu tout ce que j’ai pu faire et où j’ai pu aller dans les dernières semaines, et je me dis que chaque jour qui passe est un jour où, deux semaines avant, je n’ai pas contracté le virus. On a beau lire partout que tester toute la population n’est pas utile pour le moment, j’avoue que je suis pas forcément d’accord. Car je ne sais pas pour vous, mais la question de savoir si je l’ai, si j’incube, ou si je l’ai déjà eu a parfois tendance à tourner à l’obsession. Et si j’étais certain de ça, au moins, j’arrêterais de tenir ce calendrier un peu bizarre.
J’ai entendu à la radio que pour lutter contre le stress et l’angoisse, il fallait essayer de garder un maximum d’habitudes de la vie d’avant ; ce qui ressort le plus souvent, c’est de continuer de se réveiller tôt et de ne pas rester en pyjama toute la journée. On va essayer de voir si ça marche.
En parallèle à cette situation, et parce qu’il ne faut pas se laisser abattre (et aussi parce que c’est mon principale mécanisme de défense), je commence déjà à regarder au 15 août, date de ma grosse épreuve de l’année. C’est la première fois que je vais faire 160km. Par chance, c’est dans un coin qui m’est un peu familier, dans un des coins où je me sens le mieux, et accessoirement un coin époustouflant de beauté, à savoir les Hautes Fagnes belges. Aucun endroit ne ressemble à celui-ci. A défaut d’avoir le dénivelé de l’UTMB, j’aurai au moins la distance dans les pattes, c’est déjà ça. J’ai hâte d’y être, mais surtout hâte de commencer la prépa.
A la base, j’avais prévu de commencer officiellement la prépa à Pâques et me mettre une grosse échéance par mois en guise de test ; pour mai, c’était le Beer Lovers Marathon à Liège ; il a sauté… En juin, le OHM trail en Belgique (version 55km) ; croisons les doigts. En juillet, ce devait être l’UT4M 160 challenge, mais vu le prix et vu le manque de transparence au niveau de la politique de remboursement, ça craint. D’ailleurs, un des eneignements de cette crise que devront tirer les organisations seront plus de transparence au niveau des conditions d’annulation ; car sans ça, je suppose que les courses les plus chères risqueront d’être un peu boudées. Donc à la place, ce sera le Chouffe Trail et le Castle Night trail, toujours dans mes belles Ardennes (et accessoirement, ce n’est pas très loin d’où se passera l’ultra).
C’est marrant, je n’aurais pas pensé que le moral pouvait autant dépendre de la météo.