Arrêtons de comparer l’incomparable : trail vs chasse
Avec l’ouverture de la chasse, il faut s’équiper pour courir en sécurité
Depuis mon article sur l’ouverture de la chasse 2025-2026, je suis littéralement harcelée par des chasseurs sur Twitter. Ils m’expliquent que je ne comprends rien, que le trail est plus dangereux que la chasse, que je devrais me taire et je vous passe ce qui relève de l’injure publique et qui est pénalement répréhensible. Je prends le temps de leur répondre, mais j’ai aussi un travail : je ne suis pas retraitée avec la fleur au fusil ni disponible toute la journée pour débattre sur Twitter.
Se prendre une balle n’est pas comparable à un malaise cardiaque
Comparer les morts en trail aux victimes de la chasse n’a aucun sens. Un coureur qui décède en course meurt la plupart du temps d’un malaise cardiaque ou d’une pathologie silencieuse. C’est dramatique, mais c’est une défaillance interne, pas un accident provoqué par un tiers. Les victimes de la chasse, elles, prennent des balles, parfois en se promenant, parfois en ramassant des champignons, parfois même chez elles. Ce sont des morts évitables, liées à la pratique d’autres personnes.
Dire que « le trail est plus meurtrier que la chasse » parce qu’il y a plus de morts recensés en course chaque année, c’est oublier que la chasse met en danger des gens qui n’ont rien demandé, alors que les coureurs acceptent volontairement leur propre risque physiologique. Ce n’est pas du tout la même responsabilité.
Recentrer le débat : la sécurité des sentiers
Mon article visait à rappeler que quand on court en automne et en hiver, on partage les bois avec des gens armés. Il est légitime de se sentir en insécurité. C’est ça le cœur du sujet. Les chasseurs me répondent en comparant des statistiques de mortalité comme si c’était un concours. Non, ce n’est pas plus rassurant de savoir qu’il y a « seulement » dix ou quinze morts par an. Une seule balle perdue suffit à faire basculer une vie.
Si on veut vraiment parler de sécurité, parlons d’organisation de la chasse, de zones de non-tir clairement signalées, de jours sans chasse pour que les promeneurs et les coureurs puissent circuler sereinement. C’est ça le vrai débat, pas un concours macabre de statistiques.
Et c’est précisément à ce moment-là que le malaise se fait sentir : au lieu de répondre sur ces enjeux très concrets de sécurité, les chasseurs préfèrent changer de terrain et dégainer un nouvel argumentaire — presque publicitaire — pour justifier leur présence dans les bois.
Les arguments « nouvelle génération » des chasseurs
Avant, on nous expliquait que les chasseurs étaient indispensables pour réguler les populations de sangliers. En 2025, le nouveau storytelling, c’est qu’ils « nettoient les sentiers » pour nous. Merci mais on n’a rien demandé. L’entretien des sentiers est déjà assuré par les communes, les parcs et les associations de randonneurs, et les propriétaires privés (dont beaucoup ne sont pas des chasseurs). Et quand on voit certains layons de chasse laissés à l’abandon après les battues, on peut sourire de cette affirmation.
Chasser pour le plaisir de tuer un animal, c’est un choix. Mais qu’on ne vienne pas le maquiller en service rendu à la collectivité. Ce n’est pas du marketing vert qui va faire disparaître l’inquiétude légitime des promeneurs et des traileurs.
Arrêtons de comparer l’incomparable
On ne peut pas mettre sur le même plan des morts survenues à cause d’un effort sportif et des morts causées par une arme à feu. Ce débat mérite mieux que des chiffres balancés comme des punchlines sur Twitter. Parlons de sécurité, parlons de cohabitation, mais arrêtons de comparer l’incomparable.
Ecouter cet article sur la chasse
Mention éditoriale : Cet article exprime une analyse et un point de vue journalistique sur la sécurité en milieu naturel. Les comparaisons et critiques formulées visent les pratiques et les discours collectifs (communication d’organisations, positionnements publics), et non des personnes physiques en particulier.
uTrail rappelle que la chasse est une activité légale en France, pratiquée dans un cadre réglementé. Ce texte n’a pas vocation à inciter à la haine, à la diffamation ou au dénigrement des chasseurs, mais à interroger la cohabitation entre différents usagers des espaces naturels, au nom de la liberté d’information et d’opinion protégée par la loi sur la presse du 29 juillet 1881.Illustration : photo extraite de l’article https://www.chasseurdefrance.com/accident-de-chasse-un-tireur-plusieurs-responsable.
Reprise conforme au droit de courte citation et au droit à l’information (Code de la propriété intellectuelle, article L.122-5).