“Imposteur” sur la Transat Café L’Or ?
Une accroche de Une comme on en lit rarement dans la presse sportive française.
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La formule intrigue. Elle dérange aussi. Ouest-France, média historique de la culture maritime, ne s’est pas amusé à traiter gratuitement Mathieu Blanchard d’imposteur. Le quotidien pose une question. Et ce point d’interrogation change absolument tout. Le mot n’accuse pas : il ouvre un espace de réflexion sur la légitimité, sur l’audace qu’il faut pour quitter son territoire de maîtrise et accepter de redevenir débutant.
L’arrivée d’un ultra-traileur à bord d’un IMOCA n’a rien d’anodin. Dans un milieu où l’expérience se construit sur des années de navigation, d’avaries, de nuits sans sommeil à surveiller des fichiers météo, la présence de Blanchard soulève forcément une interrogation : peut-on transposer sa résistance mentale et son endurance à un univers aussi technique que la course au large ? Être solide dans la montagne suffit-il pour traverser l’Atlantique ?
Ce que dit réellement Ouest-France
Le journal ne cherche pas à ridiculiser Mathieu Blanchard. Il met en lumière un contraste : celui entre un champion ultra-maîtrisant son domaine et un athlète qui s’expose volontairement à un environnement qu’il ne connaît pas encore. Ouest-France s’appuie sur ce que montre l’athlète lui-même dans ses vidéos quotidiennes : le mal de mer, l’incapacité à manger, les doutes, les moments où il hésite. Jusqu’à cette phrase, que l’on n’entend jamais chez quelqu’un habitué à dompter des ultras de cent soixante kilomètres :
« Et si je demandais à rentrer ? »
Dans ces images, on ne voit ni imposture ni frime. On voit un homme qui découvre la fragilité. Et qui, surtout, l’assume publiquement.
Sans le « ? », l’affirmation deviendrait diffamatoire. Avec le « ? », elle devient un débat. Elle questionne. Elle interroge. Elle n’accuse pas.
Blanchard est-il un imposteur ?
Factuellement, non. Mathieu Blanchard ne s’est jamais présenté comme skipper. Dès les annonces du projet, il a expliqué qu’il venait « apprendre ». Il navigue en double, aux côtés de Conrad Colman, marin expérimenté. Il ne cache ni son manque de connaissances techniques ni ses erreurs. Dans l’une de ses vidéos, il montre son badge officiel sur lequel figure le mot « skipper ». Il le regarde, puis dit :
« Je ne me sens pas légitime de porter ce mot. »
C’est la définition même du syndrome de l’imposteur. Non pas mentir. Simplement ne pas se sentir à la hauteur du rôle qu’on occupe.
Un projet né d’une amitié, pas d’une stratégie marketing
Ce projet voile × trail n’a pas été conçu par une agence. Il est né lors du dernier Vendée Globe : Blanchard était spectateur sur les quais et lance, presque à la blague, l’idée de traverser un jour. Colman lui répond oui. Les deux hommes scellent un pacte : si Blanchard traverse la mer, Colman viendra plus tard courir un ultra.
Leur aventure est donc un échange. Pas une opération de communication.
Pourquoi partager tout cela en direct ?
La plupart des sportifs auraient attendu la fin de la course pour raconter. Blanchard fait l’inverse : il montre le doute en temps réel. Les images ne sont pas propres, pas filtrées. Il filme quand il vomit, quand il hésite, quand il n’avance plus. C’est courageux. C’est aussi risqué : exposer sa vulnérabilité, c’est offrir aux autres la possibilité de la commenter.
Mais ce choix fait partie de sa signature : raconter pendant que ça se passe.
Peut-on s’improviser skipper ?
La voile hauturière ne s’improvise pas. Elle demande des années d’expérience, de technique, d’avaries, de météo. Blanchard ne commande pas le bateau. Il apprend. Il observe. Il découvre. Il ne prétend pas piloter. Il progresse, guidé par son coéquipier.
Conrad Colman, lui, a promis de venir courir un ultra après la transat. Il découvrira à son tour un environnement où aucune montre GPS ne permet d’éviter la douleur des descentes.
Chaque discipline a sa grammaire. Et son humilité.
Imposteur, ou pionnier d’un autre dialogue sportif ?
Mathieu Blanchard ne cherche pas à prouver qu’il est marin. Il montre qu’il apprend. Il montre qu’il doute. Il montre qu’il se trompe. Il montre ce que l’on voit rarement : un athlète qui accepte d’être vulnérable devant tout le monde. Dans un monde où l’on montre surtout des victoires, il accepte de montrer le processus.
Et si la vraie audace était là ?
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