Avec l’arrivée des data-analystes comme Joseph Mestrallet et des plans de pacing millimétrés, une question ressurgit : où est passé le plaisir de courir ? Jadis, l’ultra-trail était d’abord une aventure, un saut dans l’inconnu. Aujourd’hui, certains craignent que la magie s’efface derrière les chiffres.
Les réseaux sociaux s’enflamment : faut-il transformer le coureur en machine optimisée, au risque de gommer la surprise et la liberté ? Pour les amateurs, l’esprit du trail reste simple : mettre ses chaussures et s’élancer sur les sentiers, sans chrono ni capteurs. Pour les pros, gagner passe désormais par des données traitées comme de l’or.
Entre ces deux mondes, une tension s’installe. Mais peut-être qu’au fond, il n’y a pas contradiction : chacun choisit son approche. Le plaisir de courir peut être dans la performance pure comme dans la contemplation. La montagne, elle, reste ouverte aux deux visions.
Une approche scientifique qui bouscule le plaisir de courir naturellement
Face à cette approche très cérébrale, certains défenseurs de “l’esprit trail” montent au créneau. Ils craignent une perte de spontanéité, une déshumanisation du sport. Pourtant, la méthode de Joseph Mestrallet, data-analyste devenu incontournable chez les élites, ne vient pas remplacer l’instinct. Elle l’éclaire.
En modélisant les temps de passage optimaux, en croisant les données de fréquence cardiaque, de fatigue, de nutrition et de parcours, Mestrallet cherche à diminuer les incertitudes sans enlever l’âme de la course. Son approche s’inspire davantage de la Formule 1 que de la randonnée. Pour certains, c’est une hérésie. Pour d’autres, une évidence.
La France à contre-courant du monde anglo-saxon ?
Ce changement de culture n’est pas sans heurts. En France, beaucoup résistent encore à cette approche technologique. On oppose “data” et “sensations”, comme si elles étaient incompatibles. Mais dans le monde anglo-saxon, l’intégration des statistiques à l’entraînement est perçue comme un levier de progression indispensable.
« Ce que fait Joseph devrait inspirer toutes les équipes », plaide Vincent Viet, team manager chez Salomon. « Sinon, on continuera à perdre face aux pays qui ont déjà pris ce virage. »
source de la citation : youtube.com/watch?v=V1W2aauWFj
La performance, oui, mais pas au prix de l’humain
Pour autant, la data n’efface pas les émotions. Elle les rend plus lisibles, plus compréhensibles. Elle n’enlève rien à la souffrance, à la joie, à la solitude du coureur dans la montagne. Elle aide seulement à mieux doser ses efforts et à éviter les erreurs grossières qui peuvent coûter la victoire… ou l’abandon.
Alors, faut-il voir cette évolution comme une trahison ? Ou comme une nouvelle corde à l’arc du coureur moderne ? Peut-être que la réponse se trouve dans l’équilibre. Refuser le progrès, c’est s’isoler. S’y abandonner complètement, c’est perdre une part de magie.
Au fond, la vraie question n’est pas “où est passé le plaisir de courir ?”, mais plutôt “comment le préserver dans un monde qui change ?”