Vers la fin de la FFA ?
Suite à la démission de Laura Flessel du ministère des sports, des experts en politique fiction ont évoqué une recommandation faite de supprimer le ministère en question afin que tout soit géré par des organismes privés. L’idée n’est pas neuve et revient dès qu’il est possible de critiquer le gouffre à fric que représentent les services publics. Avant de revenir sur cette idée, quelques mots d’histoire.
Les fédérations sportives datent des années 60
Ce modèle de fédérations sportives date des années 60, quand de Gaulle a décidé de confier aux fédérations une délégation de service public. Le but à l’époque était de relever le niveau général du sport français. Si l’intention était louable et a permis quelques succès notables, cela a généré au niveau des dirigeants fédéraux une espèce de « culture de la subvention », pour reprendre les mots d’Alain Loret, un universitaire reconnu. La logique de base a été complètement dévoyée et on est arrivé à des fédérations remplies d’incompétents vivant sous perfusion permanente.
Si la vérité des années 60 n’est plus celle d’aujourd’hui, il est intéressant de se demander s’il faut s’en réjouir ou s’en émouvoir. Egalement, est-ce qu’une alternative entre les fédérations publiques et le sport business est possible ?
Sport de haut niveau # sport de masse
Le problème actuel est que dans les mêmes fédérations, deux modèles économiques différents cohabitent, à savoir celui du sport de haut niveau et celui de la pratique du plus grand nombre. L’idée n’est pas ici de dire qu’une est plus utile que l’autre ; il ne faut cependant pas oublier que pendant que les bleus sont champions du monde en foot, que les handballeurs écrasent la concurrence ou que Xavier Thevenard plie tout le monde sur l’UTMB, ce sont des millions d’amateurs et de bénévoles qui s’attachent à faire vivre leurs sports qui galèrent pour y arriver.
C’est la raison pour laquelle un service public du sport destiné à développer le modèle économique dit « du plus grand nombre » est nécessaire. Ce n’est pas rentable, mais ce n’est pas le but. Face à cela, privatiser le monde des élites (et ne nous mentons pas, c’est déjà un peu le cas) est une solution qui peut convenir à tout le monde.
On pourra s’émouvoir de voir un fossé se creuser entre les amateurs et les élites, mais rien n’empêche de travailler à la construction et à la consolidation de passerelles entre ces deux mondes. Soyons honnêtes, celles qui existent déjà sont très biens, mais peuvent être encore améliorées.
Scinder ces mondes en laissant l’amateur aux fédérations et en privatisant les élites me semble le meilleur compromis ; plus précisément, je pense que si l’on continue de laisser le même modèle économique aux deux mondes du sport, il y aura forcément un cocu dans l’histoire et personne n’en sortira gagnant ; les philosophies économiques sont bien trop différentes (rentabilité versus accessibilité). Et pour cause, si les élites restent gérées par les fédérations, on assistera à un nivellement par le bas. Et face à cela, si les sports amateurs sont privatisés, la seule logique sera celle du profit et ce sont des millions de sportifs qui se seront faits berner. A quoi est-ce que ça pourrait ressembler dans le monde du trail ?
La privatisation du trail (organisation sans subventions publiques)
Si la rentabilité est le seul but recherché, les organisateurs chercheront à ramener un maximum de monde dans la pratique, ce qui est cohérent.
Mais s’il est « aisé » de faire courir 50.000 personnes au marathon de Paris, vous imaginez le même quota de personnes sur l’UTMB ? (rien que pour voir la tête du maire de Saint Gervais, ça pourrait être drôle, mais ce n’est pas le sujet).
L’organisateur de l’UTMB déclarait déjà dans un numéro du magazine Trails de 2013 “si on ne les avait pas (les subventions publiques), c’est 500 à 600 euros que devraient payer les coureurs pour l’ensemble des prestations”.
Vous imaginez la Saintélyon avec deux à trois fois plus de concurrents qu’actuellement ? Idem pour la diagonale des fous ? Les sentiers n’ont pas la place pour accueillir tous les coureurs que les organisateurs voudraient. Alors, comment remédier à ça ? En faisant gonfler les tarifs encore plus qu’actuellement. Il y a fort à parier que l’écrémage des courses type UTMB ou marathon du Mont Blanc ne sera plus le tirage au sort, mais le fric !
Après, ne crachons pas tout à fait dans la soupe ; car si les prix augmentent avec la privatisation des compétitions, je suis assez convaincu que la qualité suivra. En effet, si les organisateurs ont la pression du public, il y a fort à parier qu’ils sauront y faire pour assurer.
Pour résumer ; je suis contre la privatisation du sport amateur car nous en serons les premières victimes, mais pour celle du sport professionnel (du moins pour plus de privatisation que maintenant), pour que la France continue de briller au haut niveau.