Mathieu Blanchard et Guillaume Grima font briller très haut l’esprit trail sur la Montane Yukon Arctic Ultra

Mathieu Blanchard et Guillaume Grima

Alors que se termine l’aventure épique de la Montane Yukon Arctic Ultra dans le grand nord canadien, sur laquelle deux français briguent la 1e et la 2e place des coureurs, on a pu assister ces derniers jours à de très beaux exemples de ce que « l’esprit trail » peut avoir de plus beau et de plus noble.

Mathieu Blanchard et Guillaume Grima

Mathieu Blanchard et Guillaume Grima

La Montane Yukon Arctic Ultra est réputée pour être l’une des courses les plus difficile, brutale, froide et dangereuse du monde. 12 jours maximum pour parcourir 600 km et près de 7000m de D+, sur des chemins perdus dans les immensités glacées du Yukon, dans le grand nord canadien. Le tout évidemment en plein hiver, avec des températures entre -20°C et -40°C tous les jours, de la neige fraîche et molle dans laquelle les pieds et les traîneaux s’enfoncent. Sur tout le trajet, seulement 11 points de ravitaillement à l’abri, dans lesquels on vous sert une soupe, un bout de pain et de l’eau chaude. Tout le reste du ravitaillement est en autonomie complète, avec seulement 2 sacs « drop bag » pour tout le trajet. Bref, une aventure qui confine à l’impossible.

Avec 46 coureurs au départ, la course s’est élancée le 2 février vers l’inconnu, puisque le parcours avait dû être modifié en dernière minute la veille, du fait du débordement de la rivière Yukon sur le parcours habituel.

Les participants ont tôt fait de se rendre compte que ce nouveau parcours était bien plus difficile que l’ancien. Neige fraîche non tassée, pentes abruptes, nombreux sont ceux qui ont été contraints à l’abandon. Au premier ravitaillement, près de la moitié des coureurs avait déjà abandonné. Puis petit à petit la quasi-totalité du peloton s’est retrouvée à lâcher. A l’heure où nous écrivons ces lignes ce n’est pas moins de 84% d’abandon. Problèmes techniques, épuisement, mais surtout engelures et gelures. Près d’une dizaine d’athlètes a dû être hospitalisée pour des lésions sévères dues au froid.

Parmi celles et ceux qui ont su tirer leur épingle du jeu, deux français : Mathieu Blanchard et Guillaume Grima.

Le premier, bien connu des médias, aventurier et ultra-traileur truste les podiums des plus grandes courses au sein de la Team Salomon depuis des années. Le second, plus discret, a grandi à la montagne avant de s’entraîner au sein des prestigieux chasseurs alpins de l’armée française. Les deux ensembles nous ont proposé ces derniers jours sur cette course une très belle leçon de trail et un bel exemple de « l’esprit trail ».

Ayant pris le départ ensemble, les deux compatriotes ont réalisé les 175 premiers kilomètres ensemble, « main dans la main ». Par la suite, les deux athlètes ont souvent pris un peu de distance, du fait de stratégies de course différentes. Mathieu Blanchard progresse en moyenne légèrement plus vite, Guillaume réalisant généralement de plus courtes pauses. Ils se sont ainsi « rattrapés » et réunis 4 fois au cours de ces 600 kilomètres. A chaque fois, l’occasion d’échanger quelques mots, des conseils mais aussi et surtout des encouragements. Entre ces deux athlètes, on a senti tout du long un profond respect et fair-play, Mathieu postant sur ces réseaux des appels à encourager Guillaume et vice-versa.

Le plus bel exemple de ce respect mutuel, on y a probablement assisté hier soir (heure française).

Alors que Mathieu était arrivé sur le dernier check-point avant la fin depuis plusieurs heures, Guillaume a accéléré le pas, poussant plus fort et allant chercher dans ses retranchements, certainement pour combler cet écart une fois de plus. Comme le raconte le directeur de course Robert Pollhammer :

« C’est la première fois que je ne le voyais pas sourire immédiatement à l’arrivée. Il avait poussé fort pour arriver jusqu’ici et bien sûr, plus vous travaillez dur, plus vous sentirez le froid à la fin.»

Du côté de Mathieu Blanchard, il semble qu’il ait tout simplement attendu son compatriote.

Le voyant probablement arriver sur le point GPS, Mathieu a décidé repartir seulement quand Guillaume était en vue du check-point. Les deux athlètes se sont retrouvés juste aux portes du ravitaillement. Se retrouver ainsi, face à face, croiser les regards, échanger quelques mots, se prendre dans les bras. Voilà le magnifique moment que les deux athlètes nous ont offert, se sont offerts. Le genre de moment hors du temps, loin du chrono, qui reste gravé dans les mémoires. Car c’est cela l’esprit trail : le fait que des hommes et des femmes aillent chercher au fond d’eux-mêmes, repoussent leurs limites, consacrent du temps, de l’énergie à combattre non pas les uns contre les autres, mais ensemble. On court un trail avec les autres et non pas contre les autres.

Mais Mathieu et Guillaume nous ont également parlé d’une autre dimension de l’esprit trail.

Si on utilise généralement le vocabulaire « guerrier », parlant de duels, d’affrontement, etc. la bataille qu’ils ont dû mener n’étaient pas contre l’autre mais contre les éléments, la nature, le froid. Or au travers des récits de Mathieu, de Guillaume mais aussi les conseils reçus par le célèbre explorateur Mike Horn, c’est bien plus une communion avec la nature qui est évoquée.

Mathieu raconte :

« Les aurores boréales qui dansent au-dessus de moi, encore, pour m’aider et m’accompagnent. C’est comme si le Yukon me murmurait ‘’tu vois pourquoi tu es’’. […] Je comprends que je dois arrêter de lutter contre cet environnement, il ne se pliera pas à moi. C’est à moi de m’y adapter, de m’y fondre ». Il rejoint en ça les propos de Mike Horn : « Rien de ce qui vaut la peine d’être fait ne sera jamais facile ! |…] Accepte le froid, la neige et l’inconfort et fais-en ta maison. »

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L’esprit trail c’est aussi et avant tout cela. Se déplacer d’une certaine manière dans la nature, parfois en dehors des chemins balisés, en dehors de ce qui est agréable ou confortable pour nous. Ce n’est pas du sport normé, aseptisé pour chercher à pouvoir comparer les humains entre eux. C’est une aventure humaine élevée au rang de sport.

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