Derrière un marketing redoutable vantant le « nature friendly », le trail bénéficie d’une espèce d’aura qui le laverait de tous les soupçons possibles et imaginables. La levée de boucliers suite au dernier article sur le dopage le montre bien. Quand on s’attaque à ce que les autres vénèrent, ça gêne. Un blogueur disait que le trail est à la course à pied un peu ce que le rugby est au sport collectif, et j’aime beaucoup cette analogie. On lui prête des valeurs qu’on ne trouverait pas ailleurs. Evidemment, c’est des conneries. Il y a autant de cons consuméristes, superficiels avec un melon énorme sur les sentiers que sur le bitume.
Bref, le trail est un sport comme les autres, avec ses bons côtés, et le dopage. Car même s’il n’en est encore qu’à ses balbutiements (il suffit de voir les prize money par rapport aux grands marathons), les profits générés sont croissants, voire exponentiels. Aussi, est-ce que la lutte antidopage évolue au rythme des profits ? Spoil : NON !
Le dopage en trail, clairement, on n’en parle jamais. Bien candide celui qui pensera que c’est par ce qu’il n’y en a pas. Le seul fait ayant pu faire date est celui de Gonzalo Calisto en 2015 sur l’UTMB, contrôlé positif à l’EPO. Jean qui rit se réjouissait de l’efficacité de la lutte antidopage, Jean qui pleure se disait qu’il fallait être con pour se faire prendre. Je pense que le second a raison.
Quelles pistes d’explications du dopage ? Personnellement, je ne pense pas que ce soit uniquement pour l’argent que des traileurs peuvent se doper (dans ce cas, ils sont cons et ont choisi le mauvais sport). Je verrais plutôt un développement malsain de la bigorexie. En effet, dans la majorité des sports, une carrière commence tôt et se finit tôt (entre 20 et 35 ans en général) ; or, dans le trail, les moyennes d’âge des participants restent élevées (plus de 40 ans sur l’UTMB et la diagonale des fous), et en parallèle, les vainqueurs sont de plus en plus jeunes (Walmsley, Capell, Wolf, même Jornet sont encore des gamins). La bigorexie et le déni du temps qui passe peuvent conduire à ça. Ce n’est qu’une piste parmi des dizaines, j’en conviens.
Une autre raison sur le fait qu’on ne parle pas du dopage en trail, c’est que mettre en place une structure antidopage coûte cher (il faut compter en France 800 euros pour un contrôle (ça peut être le triple dans certains pays), entre l’expertise d’un échantillon, la rémunération d’un officier de contrôle antidopage et le transport des échantillons), et que les revenus générés, apparemment, ne suffiraient pas (ou alors, le mercantilisme est plus important que la propreté ; c’est une question de priorité selon moi). Dès lors, la mise en place d’un contrôle antidopage ne se fera que sur base de la volonté des organisateurs d’une course de le faire ou pas. Et forcément, si ça se fait ainsi, aucune certitude d’uniformisation entre les contrôles.
Et encore une fois, même si ça peut permettre d’attraper les plus étourdis, pour un vieux briscard comme Nicolas Martin, « si quelqu’un veut tricher aujourd’hui, il suffit d’avoir ses entrées dans le monde médical et assez d’argent ». Il ajoute cependant que ce n’est qu’à la portée de « cinq à six coureurs dans le monde ». Le meilleur exemple de contournement des protocoles médicaux reste à ce jour Lance Armstrong.
Bref, sans une structure indépendante et internationale, les optimistes continueront de penser que notre sport est plus propre que les autres (parce que le trail est plus proche de la nature que les autres sports, voyons…) et les plus réalistes continueront de se dire que le dopage existe dans le trail comme partout, c’est juste qu’on ne veut pas se donner les moyens de prendre le problème à bras le corps.