Strava abandonne son procès contre Garmin : une image écornée pour longtemps
Comprendre l’affaire Strava vs Garmin.
Fin septembre 2025, Strava a lancé une procédure judiciaire contre Garmin pour violation de brevets, visant notamment les fonctions de segments et de heatmaps. Garmin aurait intégré ces technologies à ses montres sans licence. Mais la situation s’est retournée : Garmin a menacé de couper l’accès à l’API, ce qui aurait privé Strava de la majorité des données uploadées via les montres Garmin. Strava a finalement retiré sa plainte en urgence, sans accord, laissant son image et sa relation avec Garmin gravement endommagées.
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Les utilisateurs n’ont pas apprécié la manœuvre de Strava
Sur Reddit et dans les commentaires des articles spécialisés, la réaction des utilisateurs a été immédiate et souvent virulente. Beaucoup ont annulé leur abonnement premium. D’autres envisagent de migrer vers des alternatives comme Komoot ou Ride with GPS. Une partie du public a vécu cette attaque comme une trahison : pourquoi vouloir restreindre l’usage de données que les utilisateurs eux-mêmes produisent via leur montre ?
Le Chief Product Officer de Strava, Matt Salazar, a tenté de déplacer le débat sur Reddit, en expliquant que le cœur du problème venait de l’exigence de Garmin d’apposer son logo sur chaque activité. Une demande perçue comme « de la publicité déguisée ». Mais cette explication n’a convaincu ni les utilisateurs, ni les analystes. Car dans les faits, Strava impose déjà ses propres logos dans ses partages sociaux. Et nombreux sont ceux à dénoncer un double discours.
L’image de Strava fragilisée, la confiance en question
Le plus grand perdant dans cette affaire, ce n’est pas Garmin. C’est l’image de Strava. Un service perçu jusqu’ici comme un outil communautaire, simple, efficace, au service des sportifs. Ce procès expéditif révèle une gouvernance instable, des décisions hasardeuses et une méconnaissance de son propre socle utilisateur.
Le fait que Strava retire sa plainte sans même négocier un accord de sortie est un aveu de faiblesse. Et cette faiblesse jette une ombre sur sa capacité à négocier avec d’autres partenaires, à rassurer les investisseurs et à maintenir sa place centrale dans l’écosystème connecté.
Trois semaines d’escalade juridique, une défaite silencieuse et un partenaire perdu
En voulant s’attaquer à Garmin, son principal partenaire depuis plus de quinze ans, Strava a sans doute franchi un point de non-retour. Ce 22 octobre 2025, l’entreprise californienne a discrètement retiré sa plainte pour violation de brevets. Aucune déclaration officielle, aucun compromis annoncé, aucune victoire revendiquée. Juste un abandon pur et simple. Une retraite qui ressemble à une reddition. Et qui laisse des traces profondes dans l’image de marque de la plateforme numéro un du sport connecté.
Strava a lancé la guerre… et reculé sans tirer
Le 30 septembre, Strava avait décidé d’attaquer Garmin en justice devant un tribunal fédéral américain. En cause : deux technologies clés de la plateforme — les segments live et les heatmaps — que Strava accuse Garmin d’avoir utilisées sans autorisation. L’objectif affiché ? Obtenir une injonction permanente pour interdire la vente de plusieurs modèles de montres et compteurs GPS.
Mais la stratégie a tourné court. Moins de trois semaines plus tard, Strava se rétracte. Aucun échange de pièces, aucun débat contradictoire. Garmin n’a même pas eu besoin de plaider. Le seul document qu’il a déposé au tribunal se résume à la désignation de ses avocats. Le rapport de force était si déséquilibré que Strava a préféré fuir.
Garmin détient les cartes maîtresses
Pour comprendre cette volte-face, il faut revenir à la réalité technique et commerciale du sport connecté. Garmin représente aujourd’hui la plus grande part des activités uploadées sur Strava. La majorité des coureurs, cyclistes ou triathlètes enregistrent leurs séances via une montre ou un compteur Garmin. Sans ce flux, Strava perdrait l’essentiel de sa substance. Un simple couperet sur l’API, et c’est tout l’écosystème qui s’effondre.
Ce que Strava a semblé oublier, c’est que Garmin détient un arsenal de brevets nettement plus massif et structuré. Une contre-attaque juridique aurait pu être dévastatrice. D’autant que Garmin n’a jamais perdu de bataille de propriété intellectuelle en vingt ans. À vouloir défendre des brevets fragiles contre un géant, Strava s’est exposé. Et a reculé dès que la riposte s’est profilée.
Un procès contre la mauvaise cible
Le timing est lui aussi révélateur. Strava prépare son introduction en Bourse en 2026. En lançant une procédure judiciaire contre Garmin, certains y ont vu une tentative d’afficher une force supposée sur le plan des brevets pour rassurer les investisseurs. Mais l’effet produit est exactement inverse. En s’attaquant à son principal pourvoyeur de données, Strava a démontré sa dépendance… et sa fragilité.
Le procès n’a pas mis en lumière la solidité de son modèle économique, mais son manque de clairvoyance stratégique. Garmin, de son côté, continue d’étendre ses partenariats — notamment avec Komoot, un concurrent direct de Strava. Un signal fort envoyé à l’écosystème.
Une fracture durable avec Garmin ?
Le divorce semble acté. Garmin ne semble pas vouloir relancer le conflit, mais son silence est lourd de sens. Des analystes estiment que Garmin pourrait, dans les mois à venir, développer des fonctions sociales enrichies dans Garmin Connect, voire proposer une alternative directe à Strava. Avec ses moyens, son réseau de distribution et sa base installée, le danger est réel.
Pendant ce temps, Strava doit convaincre les utilisateurs qu’il reste indispensable. Et pour cela, il va falloir bien plus qu’un retrait de plainte. Il faudra reconstruire des alliances, clarifier sa vision, et prouver que la plateforme a encore un avenir indépendant.
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Cet article s’appuie exclusivement sur des faits rapportés dans la presse internationale (The Telegraph, TechRadar, Reddit, forums spécialisés), sur les déclarations publiques des dirigeants de Strava et les données publiques du tribunal fédéral du Colorado. Il ne s’agit ni d’un communiqué, ni d’une prise de position hostile. Aucun dénigrement n’est ici formulé à l’encontre de Strava, Garmin, ni de leurs utilisateurs. Le propos relève d’une analyse journalistique, destinée à informer le public des conséquences d’un conflit juridique entre deux acteurs majeurs du sport connecté. uTrail est un média indépendant et ne reçoit aucun financement ni partenariat d’aucune des marques mentionnées.






