L’attaque survenue le 6 octobre 2025 dans les Hautes-Alpes l’a rappelé violemment : en montagne, le danger ne vient pas toujours des loups ni des précipices — parfois, il vient d’un chien, dressé pour défendre un troupeau.
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Le vrai problème n’est ni le fusil, ni le patou.
Le vrai problème, c’est une partie du monde rural qui considère que la montagne lui appartient, que les sentiers sont “chez eux”, et que les autres – randonneurs, traileurs, promeneurs – sont des intrus.
Repli identitaire du monde rural
Ce n’est plus de la cohabitation, c’est du repli identitaire. Et ce repli, aujourd’hui, se défend avec des chiens agressifs ou des armes à feu. À force de refuser toute régulation, toute signalisation, toute adaptation, on transforme l’espace naturel en zone de menace permanente pour ceux qui ne sont “pas d’ici”.
Et ce danger, comme celui posé par les armes de chasse, n’est pas une fatalité. Il est le résultat d’un choix : celui de refuser la cohabitation.
Un randonneur de 20 ans a été grièvement blessé par plusieurs chiens de protection de type patou, sur un sentier pourtant balisé et très fréquenté du massif du Grand Morgon. Il ne traversait ni un alpage, ni un enclos. Il marchait, seul, sur un itinéraire parfaitement autorisé. Les secours ont mis près d’une heure à le libérer, tant les chiens restaient hostiles à leur présence. La victime a été mordue au visage, opérée, traumatisée. L’enquête est en cours, mais une chose est sûre : ce n’est pas un accident isolé.
Quand la nature devient un territoire gardé
On a longtemps toléré certaines pratiques rurales au nom de “l’usage local” ou du “bon sens paysan”. Mais aujourd’hui, force est de constater que les sentiers ne sont plus des lieux neutres. Ils sont devenus des zones d’exclusion implicites, où certains usagers — randonneurs, traileurs, familles — ne sont plus les bienvenus.
Que ce soit un fusil ou un patou, le principe est le même :
➡️ On crée un risque sérieux pour l’intégrité physique des autres
➡️ On place la responsabilité sur l’usager attaqué (« il n’avait qu’à faire demi-tour », « il n’avait qu’à éviter la zone »)
➡️ Et surtout, on refuse de s’adapter.
Dans de nombreux cas, les enclos restent ouverts. Les panneaux sont absents. Les troupeaux sont installés en bordure directe de sentiers balisés, sans alternative, sans détour, sans explication. Le message est clair : si vous passez, c’est à vos risques et périls.
Une logique de domination, pas de cohabitation
Le parallèle avec la chasse est évident.
Dans les deux cas, on nous explique que “c’est la campagne”, “faut respecter les traditions”, “faut comprendre les usages”. Mais ce qu’on observe, ce n’est pas une cohabitation. C’est une prise de territoire, au nom d’un droit rural qui ne dit pas son nom.
Des éleveurs laissent volontairement leurs patous dissuader toute présence humaine.
Des chasseurs organisent des battues sur des secteurs prisés sans en avertir les autres usagers.
Et face aux critiques ? Toujours la même réponse : “allez courir ailleurs”.
Mais le problème, ce n’est pas l’existence des chiens ou des fusils.
Le problème, c’est l’absence de cadre, le flou organisé, et l’idée qu’en pleine nature, seuls certains auraient légitimité à exister.
Il est temps d’imposer un cadre national
On ne demande pas l’interdiction des patous.
On ne demande pas la fin des élevages.
On demande simplement des règles de bon sens :
- Des clôtures fermées
- Des panneaux visibles
- Des itinéraires alternatifs
- Et des sanctions en cas d’attaque, comme pour n’importe quel chien de compagnie
Car aujourd’hui, dans bien des cas, on accepte des agressions canines en montagne qu’on n’accepterait jamais en zone urbaine.
Un promeneur mordu en ville déclenche immédiatement une plainte, un contrôle, une mise en fourrière. En montagne ? “C’est la nature”.
Non. Ce n’est pas la nature, c’est une négligence camouflée en tradition.