Cocodona 250 – Courtney Dauwalter abandonne au mile 108 : que s’est-il passé ?
retour sur l’abandon de Courtney Dauwalter
Courtney Dauwalter a quitté la Cocodona 250 après 108 miles de course (environ 174 km). Elle était alors en tête chez les femmes, deuxième au classement général, et semblait en route pour une performance majeure. Mais au poste de ravitaillement de Camp Verde, elle s’est arrêtée. Une décision rare chez elle. Voici ce que l’on peut en tirer.
Courtney Dauywalter avait déjà abandonné
Un abandon très rare, mais pas sans précédent
Même pour une athlète de son niveau, les abandons font partie de la discipline. Courtney en a déjà connu plusieurs, toujours dans des contextes exigeants :
- Run Rabbit Run 100 (2012) : son premier 100 miles. Elle abandonne au mile 60 après une grosse baisse mentale. Elle en tire une leçon immédiate : dès le lendemain, elle cherche un nouveau défi.
- Hardrock 100 (2021) : arrêt au mile 62. Elle souffre toute la journée de troubles digestifs, ne prend pas le temps de les gérer, et arrête. Elle en conclura qu’en ultra, savoir résoudre les problèmes en course est aussi important que l’endurance.
- Barkley Marathons (2022) : après une première boucle réussie, elle est rattrapée par la pluie, le froid, le brouillard et des erreurs de navigation. Elle revient au camp sans les pages obligatoires, contrainte d’abandonner. Là encore, elle en tire une leçon.
À chaque fois, l’épisode devient un élément de progression, intégré dans sa préparation suivante.
Une dégradation progressive
L’analyse croisée des deux graphiques (vitesse en fonction du temps et de la distance) confirme une baisse progressive de l’allure à partir du mile 100. Jusque-là, elle tenait un rythme solide entre 4 et 6 mph, malgré les variations du parcours. Après le mile 100, la vitesse décroît nettement, passant souvent sous les 3 mph. À partir de la 17e heure de course, on observe des interruptions fréquentes et des phases proches de l’arrêt complet. Aux alentours de la 21e heure, la courbe devient quasiment plate, correspondant à son immobilisation prolongée au ravitaillement de Camp Verde. Ce n’est donc pas un effondrement brutal, mais un ensemble de ralentissements, de tentatives de relance, et d’une prise de décision progressive.
Hypothèses sur les causes de l’abandon
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Troubles digestifs
Le ralentissement marqué à partir du mile 100 peut correspondre à l’apparition de troubles digestifs. Courtney y a déjà été confrontée (Tahoe 200 en 2018, Hardrock 100 en 2021). À Tahoe, elle a passé une journée entière sans pouvoir garder d’aliments avant de relancer grâce à des pancakes. Ici, rien ne dit qu’elle ait trouvé cette solution.
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Pieds abîmés par la météo
Les pluies continues et le froid ont surpris tout le monde. Habituellement sec, l’Arizona s’est transformé en terrain détrempé. Les pieds deviennent alors une source majeure de douleurs : ampoules, frottements, macération… Dans ce contexte, chaque pas peut devenir une contrainte. Et cela correspond à un abandon volontaire, en base de vie, sans incident mécanique visible.
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Zone de bascule
Son abandon intervient au mile 108, soit presque exactement la distance de l’UTMB Mont-Blanc (171 km). Ce point représente souvent une frontière : au-delà, on entre dans l’ultra très long, où sommeil, usure et incertitudes physiques prennent le dessus. Courtney connaît bien cette zone. Elle sait que continuer sans lucidité ou sans solution peut être contre-productif.
Une décision assumée, un soutien unanime
Courtney s’est arrêtée à un ravitaillement, entourée de son équipe. C’est donc une décision prise à tête reposée, après observation, sans urgence extérieure. Elle suit sa propre règle : deux jours pour encaisser, puis on avance.
Le milieu de l’ultra n’a pas tardé à lui témoigner son respect. Tout le monde salue sa performance titanesque, y compris Kilian Jornet qui a été l’un des premiers à réagir, avec un message simple sur les réseaux sociaux :
« Great recovery! You’ll be on fire in the next one. »
Et la suite ?
L’UTMB Mont-Blanc, en août, est toujours à son programme. Elle y a déjà triomphé. Ce qui s’est passé à Cocodona ne changera probablement rien à ses plans. Au contraire, cette expérience pourrait lui permettre d’arriver à Chamonix avec un regard neuf, et des ajustements encore plus précis.
Elle n’a pas terminé la Cocodona 250. Mais jusqu’au mile 108, elle aura démontré une performance sportive absolument hors du commun, une lucidité et une capacité d’adaptation remarquables. Savoir s’arrêter au bon moment, quand continuer n’apporte plus rien, demande autant de force que d’aller au bout. Clairement cet abandon n’est pas une anomalie, mais une décision sportive bien réfléchie.
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