Se lever chaque matin sans savoir si on va dormir le soir. Enchaîner les ultra-traversées avec moins de 3 heures de repos. Gravir 56 sommets à plus de 4 267 mètres d’altitude. Le tout en autonomie, sans moteur, à pied ou à vélo. Ce que vient de réussir Kilian Jornet dans le Colorado, première phase de son projet States of Elevation, est tout simplement monumental.
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Seize jours d’effort ininterrompu à travers les “fourteeners” du Colorado
Derrière le mot « fourteener », ces sommets américains à plus de 14 000 pieds (environ 4 267 mètres), se cache l’un des défis les plus rudes du continent nord-américain. Dans cet État mythique qu’est le Colorado, Kilian Jornet s’est attaqué à l’ensemble des 56 “fourteeners” accessibles, de Mount Elbert à Capitol Peak, en passant par Pikes Peak ou encore Windom et Eolus. Des montagnes souvent très éloignées les unes des autres, au cœur d’une nature sauvage et isolée.
En seize jours, Kilian a accumulé plus de 2 000 kilomètres de progression à pied et à vélo, pour un total de 79 000 mètres de dénivelé positif. Chaque jour, il a enchaîné l’équivalent d’un marathon, souvent accompagné d’une étape de vélo digne d’un Tour de France.
Tempêtes, altitude et sommeil minimal
Ce n’est pas seulement l’effort qui force l’admiration, mais le contexte : très peu de sommeil, des nuits à rallonge en altitude, et des ajustements constants pour éviter les orages. Dès le premier jour, la LA Freeway a posé le ton : 137 km et 7 500 mètres de D+. Sur la Nolan’s 14, Kilian a dormi à peine 30 minutes en 48 heures. Et dans les Chicago Basin, pour atteindre les derniers sommets, il a dû courir quatre heures… juste pour rejoindre le départ de la grimpée finale.
Parmi les moments forts : le passage de la Elks Traverse, où il franchit sept sommets d’un coup ; la conquête de Mount Massive et Mount Elbert dans une même journée (plus de 20 heures d’effort) ; et cette scène lunaire où, à bout de forces, un coureur inconnu lui tend une barre chocolatée sur les pentes de Windom, le suivant pendant deux heures pour l’aider à finir.
Un projet monumental, mais sans record FKT
Il faut le dire clairement : Kilian Jornet n’a pas battu le FKT (Fastest Known Time) du Colorado pour la traversée des fourteeners. Ce n’était d’ailleurs pas son objectif principal. Là où le record se joue sur un parcours optimisé et assisté, States of Elevation se distingue par une approche “humaine”, sans moteur, sans logistique lourde. Kilian a préféré une ligne poétique, plus lente, plus sauvage, qui traverse les massifs selon un fil narratif personnel. On est loin d’une chasse au chrono.
Prochaine étape : cap à l’ouest, direction la Californie
Le Colorado referme la première partie de States of Elevation, mais le projet est loin d’être terminé. Il reste tous les fourteeners de Californie et de l’État de Washington. Toujours sans moteur, toujours avec la seule force des jambes, Kilian va maintenant pédaler vers l’Ouest. Le final promet d’être aussi spectaculaire que cette ouverture monumentale.
une aventure hors-norme, un message pour le trail
Dans une époque où le trail se professionnalise, où les records se décomptent en secondes, Kilian Jornet continue de tracer un chemin différent. Plus lent, plus rude, plus profond aussi. States of Elevation n’est pas une performance chronométrique, c’est une performance existentielle. Ce que Kilian vient de réaliser au Colorado dépasse les chiffres. C’est un appel à rêver plus grand, à courir autrement.
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