Retour sur la VK10K de Kilian Jornet.
Kilian Jornet, l’humilité à la sauce catalane
C’est une petite bombe qui a impressionné le milieu du trail, tant au niveau des amateurs que des professionnels.
La semaine dernière, Kilian Jornet a publié, sur ses pages de réseaux sociaux, le détail de sa séance qu’il considère lui même comme la plus difficile. Intitulée le VK10K, elle consiste assez sommairement à se manger 1000m de dénivelé positif aussi rapidement que possible puis enchaîner 10 kilomètres sur du plat.
Kilian Jornet, le VK10K
Quand on le dit comme ça, on peut se dire que c’est intéressant, qu’on peut tous le faire, que ça va nous faire progresser.
Et en soi, ce n’est pas tout à fait faux. La différence ne se fera pas sur le contenu, mais plutôt sur l’intensité qu’on y met.
Allons-y à la grosse louche ; si on se fait un peu mal, on peut imaginer
– faire le KV en une heure minimum (ce qui est déjà pas mal, hein)
– et enchaîner le 10km en 45/50 minutes si on a les jambes.
Bref, ça nous prendrait aux alentours de deux heures, on se serait morts crevés et on mettrait approximativement 145 ans pour récupérer.
Sauf que Kilian Jornet ne fait rien comme personne.
– Son KV, il l’a fait en 29 minutes et 57 secondes.
A titre de comparaison, le record du monde est à 28 minutes et 53 secondes.
– Son 10km, il l’a ensuite fait en 29 minutes et 52 secondes.
Derechef à titre de comparaison, le record du monde sur 10km est à 26 minutes et quelques. Il a donc fait son KV et son 10km en moins d’une heure… Oui c’est hallucinant.
Kilian Jornet, quand il préparait un semi
En début d’année, plus précisément avant que le covid ne viennent mettre un boxon intersidéral, Kilian avait planifié une épreuve sur route à l’automne. Pour cela, il avait travaillé un peu plus sur route à une allure spécifique (il avait commencé cela en préparant Sierre-Zinal en 2019). Dans le courant du mois d’août, le catalan a publié son allure sur semi-marathon. Je vous la donne en mille… 3 minutes et 3 secondes au kilomètre, soit un semi en 1h04 pour Kilian Jornet ! Oui, c’est dingue.
Ce niveau absolument incroyable nous dit deux choses assez différentes et assez intéressantes.
Kilian Jornet, humilité versus réalité
Quand on voit le niveau que Kilian Jornet affiche sur du plat, le niveau qu’il affiche en KV, en skyrunning, voire en ultra, on peut assez aisément affirmer sans trembler du menton qu’il fait partie des coureurs les plus complets de sa génération, mais pas seulement.
Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y a plusieurs mois de cela, il avait donné une interview assez longue dans GQ, où il avait expliqué qu’il était nul sur le bitume. Réelle humilité ou fausse modestie ? Je pense qu’il s’agit d’une réelle humilité et que lorsqu’il se dit nul sur route, c’est en comparaison avec son niveau en trail, où forcément, il fait partie des trois meilleurs athlètes de l’Histoire de ce sport.
Kilian Jornet, un duel passionnant
– Dans le monde du trail, au fur et à mesure que les années passent, les français ont tendance à devenir les meilleurs sur l’ultra à proprement parler (D’Haene, Thévenard, Curmer, Clavery, Pommeret, Girondel) en délaissant le court (Thibaut Baronian étant actuellement le seul à défendre nos couleurs avec un très haut niveau).
– Au niveau de la polyvalence, on a principalement deux noms qui se dégagent, à savoir Jim Walmsley et Kilian Jornet.
Ce qui est chouette, c’est que le duel entre l’espagnol et l’américain évolue.
.. Ils se sont d’abord affrontés sur de l’ultra (notamment sur l’UTMB en 2017 et 2018),
.. puis commencent à se spécialiser sur le court (Kilian a remporté le GTWS et Jim le championnat du monde), domaine sur lequel on a hâte de les voir sur la même course (Sierre-Zinal en 2021?).
.. Et désormais, ce duel va peut-être se faire sur la route. Car si on se rappelle bien, Walmsley avait prévu de tenter de participer au marathon des JO (et était bien parti pour se qualifier). Et vu le niveau affiché par Kilian (ils ont plus ou moins un temps de référence équivalent sur semi), on peut se dire que le jour où ils prendront le départ du même semi ou du même marathon, on va se régaler, surtout que les deux ont deux stratégies différentes (Walmsley à l’américaine, et Kilian un peu plus à l’européenne).