Xavier Thévenard avait raison
A la fin de sa tentative de record sur le GR20, Xavier Thevenard avait déclaré pratiquement juste après avoir franchi la ligne d’arrivée, que c’était inhumain de se mettre dans des états pareils. Sur le fond, j’étais d’accord ; moins sur la forme, car c’est quelque chose qui ne m’était pas encore arrivé. Pour le dire autrement, j’imaginais bien qu’il pouvait avoir raison en théorie, et pour la pratique, je voulais pouvoir éprouver un peu cela. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai été servi. En effet, ce week-end, j’ai passé pour la première fois la barre des 160km en trail, et à certains moments, cette phrase de Xavier Thévenard m’est revenue en tête. Et comme je le disais en introduction, si je me doutais qu’il avait raison, je ne pensais pas que c’était à ce point…
Ce n’est pas humain de se mettre dans un état pareil
Quels sont ces états pareils ?
La chance qui a pu être la mienne durant cet ultra est que j’ai réussi à éviter les crampes, les douleurs à l’estomac et les petites blessures (le plus grave que j’ai pu avoir était des ampoules aux orteils). Donc à ce niveau, ça allait. Mais au niveau de la fatigue, mon dieu…
En ayant déjà fait plusieurs distances entre 80 et 105km, j’avais une petite idée de ce à quoi pouvait ressembler la notion de fatigue. Sauf que la durée maximum en course que j’avais pu faire était légèrement inférieure à 16 heures. Ce week-end, 33h19… Donc plus du double.
Ce n’est pas humain de se mettre dans un état pareil
Affronter la fatigue en ultra ? Comment faire…
J’avais lu pas mal d’articles assez qualitatifs sur la gestion du sommeil en trail, et notamment que c’est surtout en fin de nuit (plus ou moins une heure avant le début du lever du soleil) qu’il fallait faire attention à la fatigue en ce sens qu’elle pouvait être dangereuse. Et pour cause, c’est assez logique. Une journée entière plus une nuit blanche (et en sachant que ce n’est pas encore fini), ça commence à taper un peu.
Ce n’est pas humain de se mettre dans un état pareil
Cette impression de partir…
Après approximativement 110km (peut-être un peu plus ou un peu moins), il y avait une montée un peu sale, et comme un prix Nobel, je me suis dit « tiens, je vais essayer de la faire un peu vite, au moins ça sera passé ». Dans le classement des plus mauvaises idées du monde, celle-ci se place relativement bien. Car juste après, pour la première fois, j’ai eu l’impression que même en continuant à marcher, je m’endormais. Avec les yeux qui se ferment tout seuls, l’impossibilité de continuer à marcher droit, et le sentiment que si on ne se reprend pas, ça va être compliqué. Et ce n’était que le début.
Ce n’est pas humain de se mettre dans un état pareil
Les hallucinations et les confusions
Sont arrivées après les hallucinations. Pareil, j’avais beaucoup lu dessus et me pensais préparé. En fait, on ne l’est pas. Alors que le soleil commençait timidement à pointer ses premiers rayons, les racines de la forêt dans laquelle je me trouvais ont commencé à ressembler à des serpents. Et ce n’était pas tout. Car une fois que les racines étaient redevenues racines, pendant une demi-heure (peut-être un peu plus, ma notion du temps étant un peu élastique à ce moment), à chaque fois que je voyais un oiseau (et je voyais bien que c’était un oiseau, il n’y avait pas d’ambiguïté là-dessus), je les appelais systématiquement lapins…
Ce n’est pas humain de se mettre dans un état pareil
Les hallucinations remplacées par les douleurs
J’ai peut-être dit beaucoup d’autres conneries, mais les serpents racines et les oiseaux lapins m’ont marqué un peu plus que les autres. Une fois arrivé au ravitaillement suivant, il a été possible dormir une dizaine de minutes avant de repartir pour les 40 derniers kilomètres. Sont arrivées les douleurs systématiques, comme si l’ultra commençait véritablement ; quand chaque pas devient une souffrance, quand chaque marche devient une épreuve, quand vous ne voyez pas la fin arriver… Quand vous commencez à vous demander ce que vous foutez là…
A ce moment là, et plus ou moins jusqu’à un ou deux kilomètres avant l’arrivée, vous vous dites, un peu de canon avec Xavier Thévenard, que c’est inhumain de se mettre dans des états pareils…