Faut-il interdire la chasse le week-end ? La question revient avec force en cette fin 2025
Les drames liés à la chasse ont une fâcheuse tendance à se répéter. À mesure que les sentiers se remplissent de traileurs, randonneurs et VTTistes, la cohabitation avec les chasseurs devient chaque année plus tendue. En cette fin 2025, un nouvel accident grave a ravivé le débat sur une éventuelle interdiction de la chasse les week-ends.
Un joggeur confondu avec un sanglier
Le 23 novembre 2025, un jeune homme de 25 ans a été grièvement blessé dans le Vaucluse lors d’un jogging. Il courait sur un chemin à proximité de Vaison-la-Romaine lorsqu’un chasseur l’a pris pour un sanglier. Le tir a touché son genou. Les blessures sont sérieuses : cartilage détruit, infirmité permanente, intervention chirurgicale lourde. Le chasseur a déclaré qu’il croyait viser un « troupeau de sangliers ». Aucune signalisation n’indiquait la tenue d’une battue dans la zone.
Ce n’est pas un cas isolé. Quelques jours plus tôt, un automobiliste avait lui aussi été grièvement blessé dans l’Aude, touché à la gorge par une balle perdue alors qu’il circulait sur une départementale. Là encore, les circonstances interrogent : comment peut-on atteindre un véhicule à plusieurs dizaines de mètres d’un poste de tir ?
Une saison 2024-2025 marquée par une hausse des accidents
Selon le dernier rapport de l’Office français de la biodiversité (OFB), la saison de chasse 2024-2025 a enregistré 100 accidents, dont 11 mortels. Au total, 103 victimes ont été recensées, dont 16 non-chasseurs. Dans au moins 3 cas, les victimes extérieures à la chasse ont été grièvement blessées. Les incidents matériels (logements ou voitures atteints) s’élèvent à 135 signalements. Ces chiffres confirment une tendance : les premières semaines de la saison de chasse, entre octobre et décembre, sont les plus dangereuses.
Des réactions choquantes sur les réseaux sociaux
Ce qui a indigné bien au-delà du cercle des pratiquants, ce sont certaines réactions lues sur les réseaux sociaux après les drames. Plusieurs chasseurs – ou personnes se revendiquant comme telles – ont commenté les articles de presse ou les publications de coureurs en les accusant de mentir, d’exagérer, voire de « mériter » ce qui leur arrivait.
Sur certains groupes Facebook ou pages locales, on a vu apparaître des messages niant l’existence même des victimes, moquant les traileurs ou ironisant sur leur présence en pleine nature. Des propos ont même franchi la ligne rouge, se réjouissant du fait qu’un joggeur soit « immobilisé » ou estimant que « ça lui apprendra à courir n’importe où ».
Ces attaques verbales ne sont pas représentatives de l’ensemble des chasseurs — beaucoup condamnent clairement ces dérives. Mais elles montrent qu’une fracture profonde s’est installée entre deux visions de la nature : celle du loisir partagé et celle de la prédation territoriale.
Une cohabitation qui ne fonctionne plus
Depuis des années, on répète que la cohabitation est possible, qu’il suffirait de mieux informer, de mieux signaler les battues, d’éduquer les deux camps. Mais dans les faits, les accidents perdurent. Pire encore, ils deviennent de plus en plus médiatisés, alimentant une défiance croissante envers la pratique de la chasse en zone mixte.
Le trail et la randonnée sont aujourd’hui pratiqués par des millions de Français, majoritairement en week-end. En face, les chasseurs affirment avoir besoin de ces mêmes créneaux, car ils travaillent la semaine. Résultat : une impasse. Et des sentiers qui deviennent des zones de danger chaque automne.
Interdire la chasse le week-end : une solution pragmatique ?
Face à cette impasse, la proposition d’interdire la chasse le samedi et le dimanche revient avec insistance. Elle avait été portée dès 2021 par plusieurs figures politiques, et elle gagne désormais le soutien d’élus locaux, de clubs de trail, d’associations familiales et de collectifs de victimes.
L’idée n’est pas d’opposer frontalement deux catégories de Français, mais de faire un choix d’organisation du territoire. Si l’on admet que la chasse est avant tout un outil de régulation écologique (bien que Willy Shraen ait déclaré il y a quatre ans n’en avoir rien à foutre de réguler et que les chasseurs racontent être là pour nettoyer les sentiers qui selon eux leur appartiennent), alors il est cohérent de la réserver aux jours ouvrables, comme une mission technique. Et de laisser le week-end aux activités de plein air non violentes.
Pour un partage clair et sécurisé de la natureLe débat n’est pas seulement émotionnel. Il est aussi politique, sanitaire, économique. De nombreux événements de trail, générateurs de retombées locales, sont annulés ou déplacés à cause de l’ouverture de la chasse. Des familles évitent désormais les forêts pendant des mois entiers, de peur d’un accident.Ce que demandent les traileurs, randonneurs, cyclistes, ce n’est pas l’abolition de la chasse, mais un cadre clair, prévisible et sûr. Et la seule mesure réellement efficace à court terme serait de sanctuariser les week-ends. Pas partout, pas tout le temps, mais au moins dans les zones les plus fréquentées.
Un enjeu de société bien plus large
Derrière cette question, c’est une vision de la nature qui se joue. Le trail running — tout comme d’autres pratiques sportives — défend une approche de la nature ouverte, accessible, non violente. La chasse, malgré ses cadres légaux stricts, repose sur une logique de prédation, d’arme, et donc de danger potentiel. Cette tension est irréconciliable sur le terrain sans arbitrage politique clair.
En interdisant la chasse le week-end, on ne mettrait pas fin à cette tension, mais on la rendrait gérable. On offrirait aux coureurs, aux familles, aux enfants et aux chiens un espace-temps où ils peuvent évoluer sans peur. Et ce serait déjà un progrès immense.
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Cet article ne remet pas en cause la légalité de la chasse ni la légitimité des chasseurs dans les territoires ruraux. Il questionne les modalités de partage de l’espace public en période de forte affluence de pratiquants outdoor. Toutes les données citées sont issues de rapports officiels ou de sources publiques. Toute remarque ou correction peut être adressée à la rédaction.





