L’ultra-trail fait-il peur aux élites ?
Ce constat ne sort pas de la cuisse de Jupiter. Il est plutôt factuel, et je trouve que c’est plutôt une bonne nouvelle.
Pourquoi ? Parce que depuis quelques années, quelques blaireaux en recherche d’attention et se croyant un peu dessus des autres ont eu tendance à banaliser l’effort d’un ultra.
Toute personne qui s’est lancée sur la Saintexpress, sur le trail de la Mascareignes ou sur la CCC a forcément eu droit à une remarque crétine du style « ah tu fais la petite distance ». En général, la meilleure réponse à apporter à ce genre de blaire est de l’inviter à aller s’assoir sur un cactus, ou mieux, d’aller jouer à touche-camion sur l’autoroute.
Eh oui, un ultra, comme son nom l’indique, c’est quelque chose d’hyper difficile, tant par les efforts que ça demande que par notre dépendance à ce qui ne dépend pas de nous pendant l’épreuve.
Les élites délaissent l’ultra trail au profit du court
Mais ce n’est pas le sujet de l’article ici. Je disais donc en préambule, l’ultra fait de nouveau peur aux élites. Ce constat, disais-je, je l’ai fait à partir du moment où on a assisté à la victoire (pour le moment du moins) de l’école américaine sur l’école européenne de trail. Pour résumer brièvement, l’école américaine partira sur des longues distances en mode bourrin et ça passera ou ça cassera (en général, ça casse. Hein, Jim ?) tandis que l’école européenne partira plus prudemment, fera sûrement des moins bons temps, mais finira plus souvent, et en meilleur état. Cette victoire se marque donc par un délaissement général du long au profit du court chez nos élites.
Exemples de traileurs connus qui se sont spécialisés sur du court
Une preuve de ce que j’avance ? Prenons le top 6 du classement ITRA. On trouve Kilian Jornet (vainqueur du GTWS, donc du court), Jim Walmsley (champion du monde de course en montagne, donc du court), Petro Mamu (qui, même s’il n’a rien à faire là, est meilleur sur du court que sur du long), Davide Magnini (qui a été étincelant sur du court), Stian Angermund Vik (idem)… Le seul membre du top 6 qui a performé du sur du long cette année, c’est Pau Cappell, avec sa victoire à l’UTMB.
Mine de rien, c’est un sacré signal. Mais comment l’expliquer ? Plusieurs pistes existent :
Une gestion de course plus facile et moins de place aux imprévus.
Comme on l’a dit, et tous ceux qui ont couru un ultra le savent. Quand on prend le départ d’une course supérieure à 50/60km, on n’est jamais certain qu’on va finir. Une multitude d’imprévus peut arriver (mauvaise digestion d’un produit qui passe bien d’habitude, gros coup de fatigue, mauvaise nuit, météo capricieuse, coup de chaud, coup de froid…) et peut nous fumer notre course (qui aurait imaginé que Kilian devrait abandonner l’UTMB en 2018 à cause d’une piqûre d’abeille ?)
Quand on est sportif de haut niveau, on a un niveau de pression absolument énorme par rapport aux résultats et devoir gérer cette pression face à une telle quantité d’éléments extérieurs, c’est très compliqué. Plus on réduit les distances, plus on peut essayer de prévoir l’imprévisible. Aussi, plus facile de gérer les aléas. Après, en parallèle, ça les responsabilise plus et ils ne peuvent plus se cacher (ou beaucoup moins) derrière des facteurs externes pour expliquer des contre-performances (le mauvais temps peut expliquer un mauvais UTMB, moins une mauvaise Sierre-Zinal).
Ultra-Trail : ll est plus facile de faire un podium sur un format court
Pression des sponsors ?
Les sponsors ne sont pas des mécènes (oui, j’enfonce un peu une porte ouverte). S’ils investissent sur un sportif, c’est aussi pour avoir un retour sur investissement. Ils poussent pour avoir des résultats, beaucoup de résultats.
Admettons qu’un coureur doit faire 7 podiums sur une année. Et bah forcément, il aura plus de facilités à aller gagner sur une année civile le marathon du mont blanc (format 42), Sierre-Zinal, le Pikes-Peak Marathon, l’OCC et la Saintélyon (par exemple) que d’aller chercher l’UTMB, la diagonale des fous, l’Ultra de Cape Town, l’UT4M, le marathon du mont blanc (format 90) et le Lavaredo… Sur du court, même si l’effort est plus intense, la récupération sera moins longue que sur de l’ultra
Un effet de mode ?
Ce point est relativement lié au précédent. Ça n’a échappé à personne (et sûrement pas à nous), la course à pied en général continue d’évoluer. En quelques années, les masses ont d’abord grouillé vers le marathon et le semi. Puis vers le trail. Puis vers l’ultra. Et puis beaucoup se sont rendus compte de la difficulté que ça représentait et des efforts que ça demandait. Si bien qu’une partie est retournée sur le bitume (niveau semi et marathon) en décidant de performer un peu plus, tandis qu’une autre partie est restée dans le trail, mais sur des distances un peu plus courtes (soit pour s’épanouir, soit pour performer). Le symbole de cette évolution est bien sûr la maxirace, qui a fait un format sans classement pour les traileurs qui ne cherchent qu’à randonner un peu rapidement et un format de course classique, pour ceux qui veulent un peu envoyer).
Mais donc, forcément, si la masse va sur du plus court, les sponsors doivent vendre leurs produits à ceux qui font du court. Et pour vendre, il faut avoir des têtes de gondoles. Ils peuvent donc pousser leurs ambassadeurs à aller plus sur du court, car c’est là que la demande est la plus importante pour le moment. Jusqu’au prochain effet de mode…
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