Juste un constat : il y a parfois des résonances troublantes dans la manière dont certains athlètes racontent leur souffrance. Et aujourd’hui, il est difficile de ne pas remarquer l’étrange parallèle entre les mots de Mathieu Blanchard après la Yukon Arctic Ultra… et ceux de l’équipe d’assistance d’Alexandre Boucheix sur cette TDS 2025.
La santé respiratoire, terrain d’expression et de légitimation
Mathieu Blanchard racontait en février dernier au Parisien : « J’ai perdu mes poumons ». L’image est forte. Elle frappe. Elle intrigue. Et elle crédibilise d’autant plus sa victoire. Car si l’on gagne une course aussi extrême avec un seul demi-poumon, c’est que l’on est, de toute évidence, un athlète hors norme.
Sur la TDS, alors qu’il perd du terrain, Casquette Verte s’affiche lui aussi en difficulté, photo à l’appui, avec ce message : « Pas la course du siècle, mais avec un demi-poumon… ». Le ton est plus ironique, plus relâché, mais le message est le même : l’effort a été entravé par un problème physiologique. Cela permet d’expliquer la contre-performance sans la nier. Cela crée aussi de l’empathie.
Asthme, poussière, et performance limitée
Dans les deux cas, les difficultés respiratoires sont présentées comme des faits objectifs, plausibles, et même documentés. Pour Blanchard, c’est le froid extrême à – 50 °C. Pour Boucheix, ce serait la poussière des sentiers de la TDS et une forme d’asthme d’effort déjà connue chez lui. Aucune exagération ici, ni tentative de manipulation. Mais un storytelling bien ficelé, assumé, qui alimente une image publique : celle de l’athlète qui va au bout de lui-même, quitte à perdre l’usage de ses organes. Le corps devient terrain de sacrifice. Et ce sacrifice alimente le récit.
Le corps en scène, l’émotion au cœur
Ce qui frappe dans ces deux prises de parole, c’est la mise en scène du corps. Le corps souffrant. Le corps entravé. Le corps héroïque. Il ne s’agit plus seulement de courir, mais de courir malgré. Et cette forme de récit plaît. Elle touche. Elle inspire. Ce n’est pas nouveau. Mais à l’heure des réseaux sociaux, elle se diffuse plus vite que jamais.
En parlant publiquement de leur fragilité respiratoire, Blanchard et Boucheix construisent une légitimité inversée : ils ne brillent pas parce qu’ils sont invincibles, mais parce qu’ils continuent malgré les obstacles. La performance brute s’efface derrière le courage. Et c’est sans doute ce que cherche le public aujourd’hui : des figures de résilience plus que des machines à gagner.
Cet édito n’a pas pour but de nuire ou de remettre en cause la sincérité des athlètes cités. Il s’agit d’une analyse journalistique portant sur la communication sportive et la mise en récit de l’effort, à partir de déclarations publiques et d’images diffusées sur les réseaux sociaux. uTrail rappelle que toute blessure, difficulté physique ou décision de course relève du libre arbitre et de l’intimité des coureurs.