Chaque mois de septembre, le même scénario se répète. À peine la ligne d’arrivée de l’UTMB franchie, des centaines de traileurs disparaissent mystérieusement de leur open space. Tendinites, sur-fatigue, troubles du sommeil, digestion perturbée par trop de purée lyophilisée… Les arrêts maladie pleuvent. Et la Sécu n’en peut plus.
257 médecins du sport dans le collimateur
Dans un communiqué confidentiel (fuité sur Kikourou), l’Assurance maladie reconnaît une explosion « anormale » d’arrêts maladie chez les personnes ayant couru à Chamonix fin août. Ils recoupent leurs données avec les profils Strava.
Selon l’organisme, il s’agit d’« une surreprésentation d’arrêts évoquant une fatigue post-traumatique en lien avec un effort de longue durée en altitude, souvent avec bâtons ».
Une enquête a été ouverte par les services de l’Assurance maladie en lien avec les plateformes sportives. Selon nos informations, les agents ont commencé par analyser les zones rouges sur Garmin Connect, Suunto App et Strava, à la recherche d’activités suspectes… ou trop héroïques.
Un inspecteur de la Sécu témoigne sous couvert d’anonymat :
« Quand on voit qu’un gars a couru 171 kilomètres avec 9 800 mètres de dénivelé positif en moins de 26 heures, sans dormir, sous la pluie, en pleine nuit, en mangeant des compotes tièdes, on se dit qu’il est probablement en meilleure forme que 99 % des salariés français. S’il réclame trois jours d’arrêt maladie après ça, c’est clairement une tentative d’abus. »
Un phénomène bien connu des RH
Les services RH n’en peuvent plus : « On avait l’habitude des congés UTMB. Mais là, on voit débarquer des gens avec des bulletins de santé évoquant des syndromes de « descente traumatique prolongée », ou de « vision nocturne altérée par frontale ». Un salarié a même fourni un arrêt pour « frottement inguinal grade 3 ». »
Le ministère de la Santé s’en mêle. Une cellule de crise a été déclenchée à Saint-Gervais pour mettre en place un protocole de vérification des vraies blessures. Désormais, tout certificat d’arrêt maladie post-UTMB devra être accompagné d’un rapport GPS horodaté et d’une analyse de foulée.
Les trailers se défendent
Du côté des concernés, la défense s’organise. Un collectif baptisé #PostUltraBurnOut a lancé une pétition pour faire reconnaître le syndrome de la ligne d’arrivée : « Après 27 heures dans la montagne, tu ne peux pas aller faire une réunion Teams avec Bastien de la logistique qui n’a jamais couru plus de 3 kilomètres dans sa vie », explique Julien R., finisher CCC 2022.
Des syndicats de traileurs envisagent de déposer un recours pour faire intégrer l’UTMB au Code du travail comme « expérience à haute pénibilité », au même titre qu’un métier de nuit ou exposé à l’amiante. « Quand tu passes le col du Bonhomme sous la pluie à trois heures du matin, tu ne récupères pas en dormant six heures. »
Un test anti-UTMB en projet
Pour faire face à l’abus massif d’arrêts, la Sécu envisage la mise en place d’un test d’aptitude à la reprise professionnelle après ultra. Le principe : une montée de 300 mètres D+ à jeun, suivie d’un entretien RH sans café. Si le salarié répond « je vais vomir », l’arrêt est prolongé. S’il dit « j’enchaîne la Diag dans deux mois », il retourne bosser.
Alors que certains s’acharnent à pointer du doigt les étrangers, les allocs, ou « ceux qui profitent du système », il serait peut-être temps d’ouvrir les yeux : les vrais responsables du déficit de la Sécu, ce sont les coureurs d’ultra-trail.
Des individus qui dépensent 480 euros de dossard, 350 euros la nuit à Chamonix, 79 euros le passage dans le tunnel, 4 paires de chaussures par an, 2 frontales, un abonnement Strava, et qui finissent par réclamer 3 jours d’arrêt maladie pour avoir trop couru dans la montagne volontairement, sans qu’aucun médecin ne leur ait jamais prescrit ça.
Ils font 170 kilomètres pour le plaisir, puis appellent leur médecin pour dire qu’ils ne peuvent pas taper un mail ou prendre un appel Zoom. Et la France paie. Oui monsieur.
Bref, les traileurs, c’est comme les étrangers : ils ne volent pas le pain des Français, mais ils courent avec. Et ils font des ampoules. Et ça coûte un bras.
À suivre :
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Les trailers seront-ils bientôt tenus de poser des RTT pour faire leur reco ?
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Le nombre d’électrolytes perdus peut-il justifier un arrêt longue durée ?
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Après la PTL, un salarié demande un mi-temps thérapeutique à vie : le cas fait jurisprudence.
Chiffres
Chaque année, l’UTMB attire des milliers de coureurs venus repousser leurs limites, mais les conséquences physiques de ces ultra-trails sont bien réelles. Entre tendinites, douleurs musculaires, troubles digestifs et fatigue chronique, près de 40 % des participants élites déclarent une blessure ou une maladie pendant ou après la course. Chez les amateurs, on observe jusqu’à 3,8 incidents de santé par coureur. Ces troubles entraînent souvent des arrêts maladie de quelques jours, parfois plus, avec un coût pour la Sécurité sociale estimé à plusieurs millions d’euros si l’on cumule tous les ultras français. En France, les arrêts maladie coûtent déjà plus de 17 milliards d’euros par an, et les trailers ne sont pas à l’écart de cette tendance. Certains médecins parlent même d’un « syndrome post-ultra » comparable à un traumatisme. L’indemnité journalière moyenne tourne autour de 40 euros, mais pour les cadres et les salariés à haut revenu, le coût réel pour les entreprises est bien supérieur. Au final, ce ne sont pas uniquement les clichés habituels qui pèsent sur la Sécu… mais parfois aussi une paire de Hoka usées et 170 kilomètres dans les jambes.