Le constat intrigue, parfois agace, souvent interroge.
Dans un sport qui aime se raconter comme instinctif, sauvage et presque anti-système, une réalité s’impose pourtant : une part significative des figures les plus visibles du trail français est passée par des écoles de commerce. Ce n’est ni anecdotique, ni le fruit du hasard. Pour comprendre ce phénomène, il faut dépasser les portraits individuels et regarder ce que le trail est devenu — et ce qu’il exige désormais.
Voici donc une réponse simple à une question complexe, déroulée pas à pas, parce que chaque “pourquoi” appelle un “parce que”.
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Les écoles de commerce de Casquette Verte et de Clemquicourt
Casquette Verte (Alexandre Boucheix)
– Diplômé de EDC Paris Business School
– Formation orientée management, gestion de projet et stratégie d’entreprise
– Parcours typique d’école de commerce parisienne, avant une carrière de cadre en entreprise menée en parallèle du trail
Clemquicourt (Clément Deffrenne)
– Diplômé du BBA de l’EDHEC Business School
– Formation en management, marketing et entrepreneuriat
– Stage de fin d’études à l’international, point de bascule vers la course à pied et le trail
Le rôle des écoles de commerce dans le trail
Parce que le trail n’est plus un sport marginal.
Parce qu’en quelques années, la course en sentier est passée d’une pratique confidentielle à un écosystème mondialisé, structuré, sponsorisé, médiatisé. Quand un sport change d’échelle, il attire mécaniquement des profils capables de comprendre et d’anticiper cette transformation.
Cette bascule pose le décor. Elle explique pourquoi certains profils émergent plus vite que d’autres.
Parce que la visibilité compte désormais autant que la performance.
Parce qu’aujourd’hui, courir fort ne suffit plus à exister durablement. Il faut savoir raconter ce que l’on fait, pourquoi on le fait, et à qui on s’adresse. La performance reste la base, mais la narration est devenue le multiplicateur.
Cette capacité à construire un discours cohérent n’est pas innée. Elle s’apprend.
Parce que les écoles de commerce apprennent à structurer un récit.
Parce qu’elles forment à analyser une cible, à clarifier un message, à bâtir une identité lisible. Dans le trail contemporain, ces compétences trouvent un terrain d’application évident, notamment chez Casquette Verte, dont le personnage public repose sur une ligne éditoriale claire, assumée et constante.
Mais raconter ne suffit pas. Encore faut-il durer.
Parce que le trail moderne se gère comme un projet de long terme.
Parce qu’une saison, une carrière, ou même une image publique s’anticipent : charge physique, fatigue mentale, exposition médiatique, risques financiers. Cette logique de planification, centrale en école de commerce, devient un outil de survie dans un sport où l’usure est rapide.
C’est là que la passion brute montre ses limites.
Parce que transformer une passion en activité viable demande des compétences concrètes.
Parce que négocier un partenariat, comprendre un contrat, refuser une collaboration incohérente ou anticiper une blessure ne relèvent pas de l’instinct sportif. Le parcours de Clemquicourt illustre cette capacité à professionnaliser sans aseptiser, à monétiser sans renier.
Mais ce n’est pas seulement une question d’individus. C’est aussi une question de milieu.
Parce que le trail attire une sociologie proche de celle des écoles de commerce.
Parce que ce sport demande du temps, des moyens, une organisation personnelle forte. Les profils urbains, diplômés, souvent cadres, y sont surreprésentés. Les écoles de commerce ne “fabriquent” pas des traileurs, mais elles forment des profils déjà compatibles avec les contraintes du trail moderne.
Et ce milieu crée aussi autre chose : du lien.
Parce que le trail est devenu un espace de réseau informel.
Parce que partager quarante, soixante ou cent kilomètres d’effort crée des conversations que peu d’autres contextes permettent. Sur les ultras, on échange entre dirigeants, entrepreneurs, cadres, décideurs. Les anciens étudiants en école de commerce savent reconnaître et activer ce capital relationnel, souvent sans même le chercher.
Reste une idée reçue tenace à déconstruire.
Parce que garder un pied hors du trail est une stratégie, pas une trahison.
Parce que conserver un emploi, une sécurité financière ou une activité parallèle protège la liberté sportive. Refuser la dépendance totale au trail permet de courir sans pression existentielle, d’éviter les choix contraints et de durer. Cette prudence, souvent mal comprise, est au contraire profondément rationnelle.
Ce qui nous amène à la conclusion logique.
La mentalité “école de commerce” appliquée au trail
Penser le trail comme un projet, pas comme une pulsion.
En école de commerce, on apprend à se projeter, à planifier, à raisonner en cycles. Transposé au trail, cela donne une approche structurée de la saison, de la charge d’entraînement, des objectifs et des temps de récupération.
Gérer le risque avant qu’il ne devienne un problème.
Blessure, fatigue mentale, chute de revenus, perte de motivation. La mentalité business pousse à anticiper ces risques plutôt qu’à les subir, avec un plan B assumé : emploi, activité parallèle, diversification.
Construire une image cohérente plutôt que subir l’exposition.
Réseaux sociaux, médiatisation, partenariats : la visibilité est pensée comme un levier, pas comme une fin. Le discours, le ton et les choix sont alignés sur une identité claire, évitant l’éparpillement.
Refuser la dépendance totale.
Cette mentalité privilégie la stabilité à long terme plutôt que le “tout ou rien”. Courir sans que chaque résultat conditionne la survie financière permet de préserver la liberté sportive et mentale.
Assumer le pragmatisme, quitte à casser le mythe.
Là où le trail aime se raconter comme hors système, la mentalité école de commerce assume une vérité moins romantique : pour durer, il faut organiser, arbitrer, renoncer parfois. Non par cynisme, mais par lucidité.
En résumé, si tant d’influenceurs trail sortent d’écoles de commerce, ce n’est ni un complot ni une mode.
C’est l’effet miroir d’un sport qui a changé de nature. Le trail d’aujourd’hui ne récompense plus seulement l’endurance ou le courage, mais aussi la capacité à penser, structurer et anticiper.
Le mythe du trail hors système appartient déjà au passé. Ceux qui réussissent ne sont pas moins passionnés. Ils sont simplement plus lucides.
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Cet article relève de l’analyse éditoriale et sociologique du trail contemporain.
Il ne vise ni à porter un jugement de valeur sur les personnes citées, ni à remettre en cause leur intégrité, leur parcours sportif ou leur sincérité personnelle.
Les propos développés ici portent exclusivement sur des tendances générales, des logiques structurelles et des évolutions observables du milieu du trail, à partir d’éléments publics et largement documentés.
Toute interprétation individuelle, intentionnelle ou morale serait abusive et ne saurait être imputée à l’autrice de cet article.
Les exemples mentionnés le sont à titre illustratif, sans volonté de nuire, de stigmatiser ou de disqualifier quiconque.
L’objectif est d’éclairer un phénomène, pas de juger des trajectoires personnelles.





