À chaque publication évoquant la chasse, la sécurité en forêt ou le droit de circuler sur les sentiers, des traileurs et randonneurs sont pris à partie sur les réseaux sociaux.
Remarques méprisantes, accusations de “propagande”, menaces à peine voilées, tentatives de discrédit du média ou des pratiquants : le débat dépasse largement la simple discussion d’idées.
Ce glissement interroge. Pourquoi la pratique du trail, pourtant pacifique et largement démocratisée, déclenche-t-elle autant d’hostilité en ligne ? Et surtout, pourquoi cette violence verbale vise-t-elle quasi exclusivement les sportifs, rarement les institutions ou les élus ?
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Une stratégie rhétorique bien rodée
Les échanges observés suivent souvent le même schéma. D’abord, une minimisation systématique du problème : on relativise les morts, on compare avec des activités sans lien — piscines, trottinettes, accidents domestiques — afin de diluer le sujet.




Ensuite vient l’attaque personnelle : on accuse les traileurs de salir la nature, de ne rien entretenir, de “vivre aux crochets” des chasseurs. Enfin, on disqualifie la parole en dénonçant une prétendue obsession “anti-chasse”.

Cette mécanique n’est pas anodine. Elle permet d’éviter le fond du débat — la sécurité dans des espaces partagés — en renvoyant la responsabilité sur ceux qui subissent le risque. Ce n’est plus la question du tir à balle réelle qui est discutée, mais la légitimité même de celui qui ose en parler.
L’un des arguments les plus fréquemment brandis consiste à affirmer que les traileurs “n’ont rien à faire” en forêt pendant la chasse, surtout lorsqu’elle est privée. Or le droit français est clair, et souvent mal connu.
En France, une grande partie des forêts est effectivement privée. Mais propriété privée ne signifie pas interdiction automatique de passage. En l’absence de clôture matérialisée ou d’arrêté municipal ou préfectoral explicite, la circulation sur les chemins et sentiers ouverts reste légale. Les panneaux “Chasse en cours” ou “Battue” ont une valeur informative, pas répressive.
Autrement dit, aucun chasseur n’a le pouvoir légal d’exclure arbitrairement un coureur, un randonneur ou un cycliste d’un chemin ouvert à la circulation publique. Rappeler ce cadre juridique n’est pas une provocation : c’est une information d’intérêt général.
L’intimidation comme réponse à la perte de contrôle
Pourquoi alors cette agressivité ? Parce que le trail, comme la randonnée, rend visible une réalité que certains préféreraient garder silencieuse : les forêts ne sont plus des espaces réservés à un seul usage. Elles sont partagées, traversées, vécues. Cette cohabitation remet en cause une forme de contrôle symbolique ancien, où la chasse occupait seule le terrain.
Sur les réseaux sociaux, là où l’anonymat et l’entre-soi favorisent les excès, cette perte de monopole se transforme parfois en intimidation. On tente de faire taire plutôt que de convaincre. On attaque les personnes plutôt que les arguments. C’est un réflexe de défense, pas un dialogue.
Certains commentaires franchissent un seuil préoccupant.
Se réjouir publiquement de blessures physiques subies par des traileurs, ou appeler de manière détournée à leur souffrance, ne relève plus de l’opinion ni de la provocation. Ce type de propos vise un groupe identifié et banalise la violence à son encontre. Même lorsqu’ils sont formulés sur le ton de la moquerie ou de l’ironie, ces messages participent à un climat d’hostilité qui dépasse largement le débat d’idées et pose un réel problème, tant sur le plan éthique que sur celui du respect des personnes.
Les traileurs, cibles faciles mais légitimes
Les traileurs ne demandent ni privilège ni exclusion. Ils demandent simplement de pouvoir courir sans craindre pour leur sécurité. Quand un décès survient lors d’un trail, il est traité avec gravité et respect, sans chercher de coupable extérieur. En retour, demander que les morts et blessés liés à des tirs soient nommés pour ce qu’ils sont n’a rien d’idéologique.
Assimiler cette demande à une croisade “anti-chasse” est un contresens. Il s’agit d’un débat de sécurité publique, pas d’un combat culturel. Et surtout, il ne peut être réglé par l’intimidation.
En résumé, la forêt n’est pas un champ de bataille numérique. Elle est un espace de respiration, de sport, de loisirs, de travail aussi. Vouloir faire taire ceux qui la fréquentent pacifiquement, en ligne ou sur le terrain, ne renforcera ni la sécurité ni la cohabitation.
Au contraire. Tant que la discussion restera polluée par les attaques personnelles et les tentatives d’intimidation, le malaise persistera. Reconnaître les droits de chacun, respecter la loi, et accepter le partage de l’espace naturel est la seule voie possible. Le trail n’est pas l’ennemi. Le silence imposé, lui, l’est toujours.
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