COROS vient de perdre son ambassadeur numéro un. Eliud Kipchoge, figure planétaire du marathon, met fin à son partenariat avec la marque de montres GPS après cinq ans de collaboration.
Un coup dur, tant l’homme n’était pas un simple influenceur : double champion olympique (Rio 2016, Tokyo 2021), ancien détenteur du record du monde du marathon en 2 h 01 min 09 s (Berlin 2022), premier à courir la distance en moins de deux heures lors du défi INEOS 1:59 Challenge à Vienne, Kipchoge est considéré comme le plus grand marathonien de l’histoire.
Cette séparation, en apparence cordiale, n’en reste pas moins stratégique. Elle interroge sur l’avenir de la marque : que devient COROS sans celui qui l’avait rendue crédible et visible aux yeux du grand public ? Pour continuer d’exister dans un marché saturé, dominé par Garmin et menacé par l’offensive d’Apple, la jeune pousse américaine va devoir se réinventer… sans sa légende vivante.
Un nom, une icône : Kipchoge a fait exister COROS
Quand COROS a signé Kipchoge en novembre 2020, elle n’était qu’un outsider sur le marché des montres GPS. La marque visait déjà les ultra-traileurs avec des modèles endurants (Vertix, Apex Pro), mais restait confidentielle. En recrutant le plus grand marathonien de l’histoire, elle frappait un coup médiatique immédiat. Kipchoge, c’était l’incarnation du dépassement de soi, le symbole de la perfection technique et mentale. À l’époque, il portait même une COROS non-commercialisée pour battre ses records d’entraînement, avant de tester en avant-première la Pace 4.
Grâce à lui, COROS a accédé à une crédibilité instantanée. Le slogan “No human is limited”, répété en boucle sur tous les supports marketing, est devenu un mantra partagé entre la marque, l’athlète et sa communauté.
Aujourd’hui, cette époque est révolue. À quarante ans, Kipchoge a d’autres priorités. Il souhaite désormais “inspirer la jeunesse” plus que courir pour gagner. La page se tourne sans fracas, mais le timing n’est pas anodin. COROS va devoir continuer sa route sans le moteur qui a propulsé sa notoriété.
La route se referme, mais les sentiers restent ouverts
Kipchoge quitte le navire… mais pas forcément la discipline. COROS, de son côté, reste solidement implantée dans l’univers du trail. C’est là que la marque a toujours été la plus pertinente, en misant sur l’autonomie (Jusqu’à 140 heures en GPS pour la Vertix 2), la fiabilité des altimètres barométriques, et la légèreté des modèles comme la Pace.
Le trail reste aussi un terrain de conquête plus accessible. Garmin domine sur la route, Suunto peine à convaincre, Polar s’efface… et COROS, en recrutant des athlètes comme Kilian Jornet ou Emelie Forsberg, s’est discrètement taillé une image de montre “de coureur sérieux” sans l’énorme budget des géants.
La fin du partenariat avec Kipchoge pourrait donc signer un recentrage stratégique. Moins d’image, plus de fonctionnel. Moins de slogans, plus de retours d’expérience terrain. Et surtout, une reconquête par le contenu, les outils d’analyse (COROS Training Hub, EvoLab) et les intégrations avec des plateformes comme Strava ou TrainingPeaks.
L’annonce officielle de Coros
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Un virage risqué, mais nécessaire
L’enjeu pour COROS est clair : survivre à la fin de son storytelling starifié. Si Kipchoge avait été le visage rassurant, presque mystique, de la marque, sa disparition oblige COROS à parler d’elle-même. Fini les images de records sur route, place à une narration plus technique, plus communautaire, potentiellement plus trail.
Il faudra aussi gérer la communication : en laissant partir Eliud Kipchoge, COROS abandonne une partie de son identité publique.
Et ce n’est pas anodin, car en face, Garmin continue d’avancer à marche forcée. Malgré les polémiques sur les abonnements, malgré le conflit avec Strava, la marque américaine reste largement en tête. Avec la Fenix 8 Pro, l’Instinct 2X Solar et ses fonctionnalités pionnières (cartographie dynamique, recharge solaire réellement utile, SOS par satellite, GPS multibande, biométrie avancée…), Garmin ne se contente pas de mettre à jour son catalogue : elle redéfinit les standards du sport outdoor. Dans ce contexte, COROS ne peut plus seulement jouer la carte de la discrétion technique ou du minimalisme fonctionnel. Pour rester légitime, la marque va devoir formuler un message fort et clair — recentré sur la performance trail, mais capable de se distinguer dans un univers où Garmin a toujours un coup d’avance.
En résumé l’histoire jugera si COROS peut survivre à la perte de son ambassadeur phare.
La marque a les moyens techniques pour rester un acteur crédible, notamment dans le trail et l’ultra-endurance. Mais elle devra reconstruire sa narration, affirmer ses choix, et ne pas s’égarer dans le mimétisme. La montre ne fait pas le coureur. Mais sans visage fort pour la porter, elle peut vite retomber dans l’anonymat.





