La nouvelle proposition de loi sur la sécurité à la chasse, déposée début novembre au Sénat, révèle un fait que peu de coureurs, de promeneurs ou de citoyens imaginent possible.
En 2025, en France, rien n’interdit formellement à un chasseur de tirer sans avoir identifié de manière certaine sa cible. Et rien n’empêche ce même chasseur d’avoir 0,49 gramme d’alcool par litre de sang au moment où il appuie sur la gâchette.
Il aura fallu attendre 2025 pour interdire ce qui aurait dû l’être depuis toujours
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La proposition de loi visant à « améliorer la sécurité de la pratique de la chasse » a été déposée au Sénat le 5 novembre 2025 par Patrick Chaize, sénateur de l’Ain, membre du groupe Les Républicains.
Elle porte le numéro 109 (session 2025‑2026). Ce texte, porté par la droite parlementaire, tente de combler des lacunes juridiques majeures — comme l’absence d’interdiction explicite de tirer sans identification de la cible, ou la tolérance de l’alcool jusqu’à 0,49 g/L. Autrement dit, la responsabilité politique de cette réforme appartient désormais à un sénateur LR, ce qui éclaire la stratégie choisie entre modernisation sécuritaire, défense des traditions cynégétiques, et réponse minimale aux attentes des autres usagers de la nature.
Ce n’est pas une exagération. C’est la réalité actuelle du droit, que la proposition de loi sénatoriale n°109 (2025‑2026) vient précisément tenter de corriger. Parmi ses 14 articles, le texte introduit noir sur blanc une disposition qui semble tout droit sortie d’un autre siècle : l’interdiction explicite des tirs sans identification formelle de la cible.
Il aura donc fallu attendre une pétition de plus de 120 000 signatures, une mission parlementaire et une nouvelle loi pour que la France inscrive dans son droit un principe aussi fondamental que celui-là. Il aura fallu attendre 2025 pour que le législateur juge utile de rappeler qu’il est interdit de tirer dans les bois sans savoir ce qu’on vise.
Le constat est vertigineux. Jusqu’ici, un chasseur pouvait confondre un mouvement, un bruit, une silhouette, et tirer. Ce n’était pas forcément légal, mais ce n’était pas non plus clairement interdit dans la loi.
En cas d’accident, l’absence de texte précis permettait parfois d’échapper à toute sanction pénale, ou de réduire l’acte à une simple erreur de jugement. Il aura fallu des années de lutte pour que ce vide soit enfin comblé.
Encore Une tolérance choquante sur l’alcool
Mais ce n’est pas tout. Le texte sénatorial prévoit aussi de permettre les contrôles d’alcoolémie et de stupéfiants pour les chasseurs, en les alignant sur les seuils du Code de la route. Concrètement, cela signifie qu’un chasseur pourra continuer à chasser avec une arme chargée tant qu’il ne dépasse pas 0,5 gramme par litre d’alcool dans le sang. Cela signifie qu’un homme armé pourra circuler en milieu naturel, décider de tirer sur un animal ou une silhouette, avec deux verres de vin dans le sang, sans que la loi ne le lui interdise.
Cette tolérance est d’autant plus choquante qu’elle ne tient aucun compte de la nature même de l’environnement.
Sur une route, les conditions sont balisées, les déplacements sont prévisibles, les distances sont mesurées. En forêt ou en campagne, les promeneurs sont imprévisibles, les traileurs surgissent en silence, les enfants peuvent courir derrière un buisson, les animaux peuvent être confondus avec un sac ou un vêtement. Et pourtant, dans ce contexte, le seuil toléré pour l’alcool reste le même que pour un automobiliste.
La loi ne prévoit pas non plus de seuil à zéro, ni de contrôle préventif avant le départ d’une battue, ni d’interdiction de boire sur le terrain, ni même de sanctions automatiques en cas de consommation constatée après un tir.
En somme, on continue de gérer la chasse comme si elle se passait dans un huis clos entre adultes responsables, alors qu’elle se déroule dans des espaces naturels partagés, traversés par des dizaines de milliers d’usagers non armés chaque week-end.
Ce que la loi refuse encore de faire
Dans le même temps, la proposition de loi refuse plusieurs mesures jugées prioritaires par les associations de victimes et les collectifs citoyens.
– Il n’y aura pas de jour sans chasse, même pas une demi-journée hebdomadaire pour sécuriser les sorties nature.
– Il n’y aura pas de certificat médical annuel pour valider l’aptitude à manipuler une arme, alors que cette exigence existe dans d’autres sports de tir.
– Il n’y aura pas de renforcement des distances de sécurité existantes, notamment en ce qui concerne la proximité des sentiers de randonnée ou des zones pavillonnaires. Et il n’y aura pas de communication renforcée auprès du grand public sur les lieux et horaires de chasse.
Deux poids, deux mesures
Le texte se veut équilibré, mais il penche entièrement du côté des chasseurs. Il ne propose rien de concret pour protéger ceux qui n’ont ni fusil, ni gilet orange, ni moyen de savoir s’ils croisent une ligne de tir.
Pour les coureurs, les randonneurs, les cyclistes, les familles, cette situation est aberrante. Dans l’univers du trail, on vous disqualifie si vous oubliez votre frontale ou votre dossard. On vous exclut si vous n’avez pas payé cinq euros pour un Pass Prévention Santé. On vous impose de courir équipé, visible, certifié. Mais dans la même forêt, un chasseur peut tirer avec 0,49 g d’alcool dans le sang, sans avoir identifié ce qu’il vise, et la loi l’autorise encore aujourd’hui.
Une loi qui comble un vide mais confirme un retard
La proposition de loi veut faire croire qu’elle modernise, qu’elle sécurise, qu’elle pacifie. En réalité, elle révèle surtout ce que l’État a laissé faire pendant trop longtemps. Elle montre que la sécurité des non-chasseurs n’a jamais été la priorité. Elle corrige un vide, mais elle confirme l’ampleur du retard. En 2025, il était encore légal de tirer à l’aveugle avec de l’alcool dans le sang. Le plus inquiétant, c’est que beaucoup continuent à le défendre.
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Ce contenu ne constitue ni une attaque contre les chasseurs, ni une remise en cause de leur existence en tant que citoyens ou pratiquants.
Il ne vise pas non plus à discréditer le sénateur Patrick Chaize ou les institutions ayant porté cette proposition de loi. Il s’agit d’un travail journalistique de bonne foi, susceptible d’interprétations, mais rédigé dans le souci d’informer, de questionner et d’éclairer les enjeux publics liés à la cohabitation dans les espaces naturels.
Le but est d’interroger l’équilibre entre sécurité, transparence et respect de l’ensemble des usagers, dans une logique d’intérêt général.





