Un drame s’est produit ce week-end dans le Var : un chasseur est mort, vraisemblablement chargé par un sanglier blessé qu’il poursuivait seul.
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La Fédération des chasseurs du Var a immédiatement publié un communiqué pour présenter ses condoléances. Une réaction rapide, émue, solidaire. Et c’est bien normal.
Mais dans le monde de la course à pied, des balades en forêt, des randonnées familiales, on aimerait parfois qu’un tel élan de compassion s’exprime avec la même vigueur quand les victimes ne portent pas de fusil.
Car il faut oser poser la question : pourquoi la tristesse est-elle si bruyante quand un chasseur décède… et si discrète quand un promeneur, un coureur ou un cycliste est blessé — voire tué — par balle ?
Le respect ne devrait pas être à géométrie variable
Rien ne justifie de minimiser ce qui s’est passé aujourd’hui à Brue-Auriac. C’est un drame. Mais ce n’est pas le seul. En France, chaque année, des non-chasseurs sont victimes d’accidents. Certains s’en sortent avec des blessures, d’autres non. Et trop souvent, leur histoire est reléguée au silence, ou accompagnée de commentaires culpabilisants. On leur reproche d’avoir été « au mauvais endroit, au mauvais moment ». Comme si la nature appartenait à ceux qui y entrent armés.
Quand un chasseur meurt, les hommages pleuvent. Quand un promeneur est tué, sa plaque commémorative finit par disparaître, sans un mot.
C’est toute une logique : zéro compassion, zéro mémoire. Non seulement les fédérations ne présentent jamais leurs condoléances quand un civil est touché, mais l’effacement des victimes devient presque une norme. Pas de reconnaissance, pas de regret, pas même de silence digne. Juste du mépris… et parfois même de la provocation.
Les joggeurs ne méritent pas moins d’humanité
Aujourd’hui, les hommages sont nombreux. Ils pleuvent sur les réseaux sociaux cynégétiques. On parle de passion, de devoir, de solidarité. On partage la douleur.
Mais où étaient ces messages quand un joggeur a été grièvement blessé il y a quelques jours dans le Vaucluse, lui aussi un dimanche ? Où sont les fédérations quand une promeneuse est tuée dans un champ, atteinte par un tir perdu ? Où est l’élan de compassion envers ceux qui n’ont rien demandé, si ce n’est profiter de la forêt en paix ?
Quand un joggeur est touché par balle, voilà ce qu’on entend : « Vous n’avez qu’à rester chez vous », « C’est privé ici », « On entretient les sentiers, vous devriez nous dire merci », « Vous exagérez », « Attendez les résultats de l’enquête », « Vous n’avez rien à faire là pendant la chasse », « On va vous interdire les chemins ». Aucune compassion. Juste des reproches, des menaces, et une inversion constante de la responsabilité.
Mais quand c’est un chasseur qui perd la vie, les condoléances fusent, les articles pleuvent, et la Fédération s’exprime dans l’heure. Deux poids, deux mesures. Et toujours le même silence quand ce sont les autres qui tombent.
Ce silence du monde de la chasse est un choix
Oui, il est plus confortable de soutenir les siens. Oui, il est plus facile de regarder ailleurs quand la responsabilité dérange. Mais ce silence, c’est aussi une forme de mépris. Il révèle un clivage dangereux dans la manière dont la société perçoit les victimes : il y aurait les « bons morts », ceux dont on parle, et les autres, ceux que l’on efface.
Ce n’est pas acceptable.
Aujourd’hui, un chasseur est mort. C’est une perte. Une famille est en deuil, et nous leur adressons nos pensées.
Mais ce que nous demandons, ce n’est pas moins de compassion pour les chasseurs. C’est autant pour les autres. Pour les joggeurs, les enfants, les promeneurs. Pour toutes celles et ceux qui aiment la nature sans vouloir l’armer.
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