À force d’entendre « la STL devient roulante » sur les groupes trail, une question finit par se poser : est-ce vrai ?
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Alpes, au-delà des limites
Et que disent les chiffres ?
En 2025, le dénivelé positif annoncé tourne autour de 1 944 mètres, soit bien moins que certaines éditions passées culminant à 2 300 mètres D+. Moins de bosses, plus de parties roulantes, un profil altimétrique plus lisse : tout semble indiquer une évolution du tracé.
Pourquoi ce choix ? S’agit-il d’un appauvrissement du parcours ou d’une transformation assumée ? Et surtout : qu’est-ce que ça change concrètement pour les traileurs ?
Le dénivelé de la SaintéLyon baisse, et les coureurs s’en rendent compte
Il suffit de faire défiler les commentaires sous les publications officielles de la SaintéLyon pour constater que le sujet agite les traileurs. En 2025, si la distance reste globalement stable — autour de 80 kilomètres selon les formats — c’est du côté du dénivelé positif que les réactions s’enflamment. Annoncé à 1 944 mètres D+ par le site Finishers, ce chiffre apparaît nettement en retrait par rapport aux éditions passées qui culminaient parfois à 2 300 mètres D+, un écart que beaucoup n’ont pas manqué de souligner.
Parmi les commentaires les plus partagés, on retrouve celui de Laurianne Bernard, visiblement habituée de l’épreuve, qui regrette cette évolution : « Ça baisse énormément le D+… La SaintéLyon sans ses montées mythiques, c’est dommage. » Quelques lignes plus bas, une autre coureuse lui donne raison sans détour : « Tout à fait d’accord… dommage d’ailleurs… » Et cette succession de messages, loin d’être isolée, reflète un sentiment diffus mais bien réel au sein de la communauté trail : celui d’un profil qui se transforme, peut-être au détriment de ce qui faisait l’ADN de la course.
Petit rappel historique : la STL, pas une course de montagne
Si l’on prend un peu de recul sur l’histoire de l’épreuve, il est clair que la SaintéLyon n’a jamais été conçue comme une course de montagne à proprement parler. Créée en 1952, elle relevait davantage du raid hivernal nocturne, une traversée audacieuse entre Saint-Étienne et Lyon, imaginée dans un esprit de défi collectif, au cœur des éléments, à une époque où la neige, le froid et les lampes torches tenaient lieu d’aventure brute. Le dénivelé n’était alors ni mesuré, ni recherché comme une valeur centrale du parcours, contrairement aux standards actuels du trail alpin.
Ce n’est que bien plus tard, notamment à partir des années 2010, que la SaintéLyon s’est peu à peu rapprochée des codes de l’ultra-trail, en rallongeant son tracé et en intégrant davantage de sections techniques : 75 km, puis 78, puis jusqu’à 81 km pour certaines éditions marquées par une volonté de montée en exigence.
- En 2018, la distance record de 81 km était accompagnée d’un D+ de 2 105 mètres.
- En 2021, le parcours en comptait 2 017 m D+ pour 78 km.
- En 2023, le chiffre grimpe à 2 180 m D+, toujours sur un format de 78 km.
- Et en 2025 ? On parle de 80 km pour seulement 1 944 m D+, selon le site Finishers.
Pourquoi le parcours évolue ? Plusieurs raisons
Une logique de sécurisation, des choix dictés par la sécurité hivernale
Courue intégralement de nuit, en plein cœur de l’hiver, la SaintéLyon est soumise à des contraintes de sécurité particulièrement strictes. Chaque année, les organisateurs doivent composer avec la météo, les risques de verglas, le brouillard, la neige ou la boue, et garantir à tout moment l’accès des secours. Cela impose un tracé compatible avec les interventions des pompiers, avec des routes praticables, des points de repli en cas d’incident, et des zones dégagées pour les véhicules d’urgence.
Dans ce contexte, certaines montées autrefois emblématiques, plus techniques ou isolées, ont été modifiées, voire supprimées. C’est notamment le cas de segments situés entre Sainte-Catherine et Soucieu, qui, au fil des éditions, ont été jugés trop exposés pour figurer sur le tracé définitif. Ce n’est donc pas seulement une question de roulance, mais aussi de sécurité logistique en conditions hivernales.
Une volonté d’élargir le public, un tracé plus accessible pour séduire un public plus large
Avec plus de 7 500 partants attendus en solo pour l’édition 2025, la SaintéLyon n’est plus seulement une épreuve pour traileurs aguerris. L’événement revendique désormais une ouverture assumée vers un public plus large et plus diversifié.
L’objectif est clair : conserver les passionnés de trail bien sûr, mais aussi séduire d’autres profils de coureurs — qu’ils viennent de l’ultra sur route, qu’ils soient habitués des marathons ou simplement curieux de s’essayer au trail dans un format moins engagé que les épreuves de montagne à plus de 4 000 mètres de D+.
En rendant le parcours plus roulant, l’organisation facilite cette transition : moins de pente, plus de rythme, mais toujours l’ambiance nocturne et l’engagement hivernal. Une manière d’initier sans effrayer, et de pérenniser un événement devenu incontournable.
Une logique d’équilibre logistique
La SaintéLyon est une course avec relais, formats multiples (13 km, 24 km, 45 km, 80 km), départs en bus, ravitaillements dans des gymnases, zones de relais chronométrées.
Ce puzzle logistique pousse à simplifier certains tronçons et à privilégier les zones accessibles. Cela a forcément un impact sur le tracé.
Conséquence : le profil s’aplatit
Le profil 2025, visible sur Finishers et sur la communication officielle, montre une première partie vallonnée jusqu’à Sainte-Catherine, avec des montées en crête bien marquées, puis une longue descente progressive vers Lyon.
Les longues bosses des Monts du Lyonnais sont encore là, mais plus courtes, plus douces. Et les portions roulantes se multiplient.
Pour les amateurs de fort dénivelé, ce profil peut sembler moins “trail”. Mais pour d’autres, il reste redoutable : la boue, le froid, la fatigue de la nuit, et les relances cassantes gardent la SaintéLyon dans la catégorie des épreuves difficiles.
Ce que ça change pour les coureurs
Moins de D+ ≠ plus facile
Le profil de l’édition 2025, tel qu’il apparaît sur Finishers ou dans les documents de communication officielle, confirme une tendance amorcée depuis plusieurs années : une première moitié de course relativement vallonnée, jusqu’à Sainte-Catherine, avec quelques montées en crête encore bien marquées, puis une longue phase descendante et plus linéaire qui conduit progressivement les coureurs vers Lyon. Les grandes bosses emblématiques des Monts du Lyonnais n’ont pas totalement disparu, mais elles semblent aujourd’hui raccourcies, adoucies, et intégrées de manière plus fluide dans le parcours.
À mesure que les kilomètres défilent, les portions roulantes deviennent plus fréquentes, les segments cassants laissent place à des relances plus soutenues, et c’est l’allure qui prend le dessus sur la marche en côte. Pour les puristes du trail technique, ce type de profil peut donner l’impression que la course perd de son relief et de son identité. Pourtant, la difficulté reste bien présente, mais elle se manifeste autrement : la fatigue liée à l’enchaînement des relances, les pièges d’un terrain glissant ou boueux, les variations de température nocturne, et cette forme d’usure insidieuse qui s’installe lorsque l’on doit courir plus souvent que marcher. Autrement dit, la SaintéLyon ne s’adoucit pas, elle se transforme.
L’entraînement doit s’adapter
Le profil actuel impose une préparation hybride :
- Travail de seuil et allures longues (parce qu’on court plus qu’on ne marche)
- Renforcement musculaire sur terrain gras ou glissant (les descentes sont piégeuses)
- Gestion de la fatigue nocturne (départ à 23 h 30, arrivée au petit matin)
- Préparation mentale pour tenir 10 à 14 heures dans le froid, la boue, les nappes de brouillard
Trail ou pas trail ? Le débat reste ouvert
Même si elle a progressivement perdu un peu de son dénivelé, la SaintéLyon ne bascule pas pour autant du côté des courses urbaines.
Elle reste fondamentalement une épreuve de trail, mais un trail à part, atypique, à mi-chemin entre les sentiers hivernaux et les longues portions roulantes. C’est un format hybride, à la fois accessible et redoutable, qui mêle bitume glacé, chemins forestiers, crêtes boueuses et longues descentes à travers les monts du Lyonnais.
Courue en pleine nuit, dans des conditions parfois extrêmes, cette course reste marquée par une forte imprévisibilité météorologique — brouillard, neige, verglas ou pluie — qui peut bouleverser le classement et faire basculer une stratégie bien huilée.
C’est cette singularité qui fait la force de la STL, mais aussi sa complexité à être clairement classée. Est-ce une course d’ultra-trail ? Une épreuve de résistance hivernale ? Un défi mental ?
Les avis divergent : pour certains, c’est « l’ultra parfait pour débuter »
C’est un format accessible pour franchir le cap des 80 kilomètres sans s’attaquer d’emblée à un ultra montagnard ; pour d’autres, à l’inverse, c’est « une course au rabais, qui a perdu son âme en devenant trop lisse ». Cette dualité, à l’image de son parcours, continue d’alimenter le débat.
En résumé, la SaintéLyon change, mais reste exigeante
Il faut l’admettre : oui, la SaintéLyon est de plus en plus plate. Les chiffres sont là pour le confirmer. Mais non, cela ne signifie pas qu’elle devient une course facile. En réalité, cette baisse du dénivelé transforme profondément la nature de l’effort demandé. Moins de bosses, c’est aussi moins d’occasions de marcher, de récupérer en montée, de gérer les variations de rythme. Cela implique, au contraire, de maintenir une allure constante, de relancer plus souvent, de supporter une pression continue sur les jambes et le mental.
En se modifiant ainsi, la STL ne s’affaiblit pas, elle évolue. Elle change de profil, s’ouvre à de nouveaux coureurs, s’adapte aux réalités logistiques et au calendrier de fin d’année. Ce qu’elle perd peut-être en verticalité, elle le regagne ailleurs : dans l’intensité de l’effort, dans l’endurance mentale nécessaire pour traverser la nuit, dans la régularité que demande un parcours sans véritables temps morts.
Et c’est peut-être là, au fond, que réside son identité : dans cette capacité à rester fidèle à l’esprit du trail — celui du défi, de l’engagement, de l’aventure — sans pour autant se figer dans un modèle unique ou passéiste.
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