En interdisant la fréquentation nocturne des forêts, plusieurs communes d’Alsace cèdent à la pression des chasseurs. Et les traileurs en sont les premiers exclus.
la chasse en Alsace
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La chasse en Alsace : les frontales des promeneurs et des chasseurs sont devenues indésirables.
En Alsace, plusieurs communes ont récemment adopté des arrêtés municipaux interdisant purement et simplement la fréquentation nocturne des sentiers forestiers.
Officiellement, ces textes visent à “protéger la faune”. Officieusement, ils font le jeu des chasseurs… et marquent un nouveau recul pour les traileurs, qui s’entraînent souvent à l’aube ou en soirée.
À Orschwihr, Bergholtz, Bergholtz-Zell ou encore Soultz, impossible désormais de courir de nuit en forêt. Dans certains cas, l’accès est même interdit hors saison, comme à Orschwihr où un arrêté initial limitait l’accès aux chemins balisés entre mai et octobre uniquement de jour. Résultat : pendant six mois de l’année, la forêt devenait carrément zone interdite. Le Club Vosgien a dû monter au front pour faire modifier le texte.
Ce ne sont pas les arbres qu’on protège, ce sont les miradors
Derrière la justification environnementale – “laisser la faune tranquille la nuit” – se cache une autre réalité : la pression cynégétique. Dans toutes les communes concernées, les chasseurs sont au cœur du dispositif. Ce sont eux qui alertent les maires sur la “surfréquentation” de la forêt. Ce sont eux qui se plaignent de ne plus voir de gibier lors des battues. Et ce sont encore eux qui pointent du doigt les frontales, les VTT, les chiens sans laisse… et les joggeurs.
À Orschwihr, le locataire du lot de chasse va jusqu’à dire que le gibier disparaît à cause des gens qui passent “de nuit à la frontale”. Il cite “quarante voitures autour de la chasse” et “zéro animal vu” sur cent cinquante hectares traqués. Le coupable est tout trouvé : ce serait la faute des trailers, pas des fusils.
Une forêt verrouillée à certaines heures, pour certains usagers
Ce genre d’arrêté ne vise pas la rave party sauvage. Il vise ceux qui s’entraînent tôt. Ceux qui rentrent du travail à dix-huit heures l’hiver, frontale sur le crâne. Il vise les coureurs.
Et le discours politique est désormais bien rodé : il ne s’agit pas d’exclure, mais de “partager”. Il ne s’agit pas d’interdire, mais de “fixer un cadre”. Les mots sont doux, mais le résultat est brutal : les sentiers deviennent réservés à ceux qui ont les bonnes horaires… ou les bons fusils.
Même le Club Vosgien, d’habitude mesuré, a dû hausser le ton face à l’arrêté d’Orschwihr, dénonçant une mesure prise sans concertation et trop restrictive. De son côté, le maire de Soultz a déclaré que les horaires étaient là pour “clarifier les règles”. Mais pour les traileurs, ce sont des règles qui les excluent.
Chasse : ce climat de tensions ne se limite pas à l’Alsace.
Partout en France, les traileurs se retrouvent en position de faiblesse dans les espaces naturels.
On l’a vu récemment avec une attaque grave de patous dans les Hautes-Alpes, sur un sentier balisé, loin d’un troupeau visible. Là encore, c’est au coureur de faire attention. Jamais au système de se remettre en cause.
Même logique avec les chasseurs qui affirment que “la forêt est privée”, et qui imposent parfois leur présence sans balisage ni signalement. Ce sont les traileurs qui doivent éviter les balles, pas l’inverse. Et ce sont les coureurs qui doivent contourner les chiens de garde, ralentir, reculer, éviter les “zones sensibles”. Pourtant, ce sont eux qui ne laissent aucune trace, qui ne font pas de bruit, qui respectent les sentiers.
Une fracture qui s’agrandit dans le monde outdoor
Ce nouvel épisode alsacien est une alerte sérieuse. Il révèle un décalage grandissant entre deux visions de la nature :
- d’un côté, une nature libre et partagée, pratiquée par les coureurs, randonneurs, VTTistes, familles, amateurs de nature ;
- de l’autre, une nature contrôlée et hiérarchisée, où les usages sont dictés par la chasse, l’administration ou les traditions.
Il ne s’agit pas de nier la nécessité de protéger les animaux, ni de minimiser l’impact humain sur les écosystèmes. Mais quand la préservation devient prétexte à exclure, alors il y a dérive. Surtout quand ceux qui excluent sont armés, organisés, et influents localement.
En résumé, les traileurs ne demandent pas de passe-droit. Mais ils demandent à ne pas être les seuls à qui l’on impose des limites.
Si la nature est à partager, elle doit l’être vraiment.
Pas seulement quand ça arrange les chasseurs.
Pas seulement quand le soleil est levé.
Et pas seulement quand les patous sont rentrés.
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