En à peine 21 jours, Strava a attaqué Garmin en justice, publié une lettre ouverte incendiaire, puis retiré sa plainte sans conditions.
Cette manœuvre précipitée interroge sur la stratégie du géant social du sport connecté, en plein virage vers son introduction en Bourse.
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Officiellement, Strava reprochait à Garmin d’avoir copié deux éléments fondateurs de son ADN : les heatmaps (cartes de chaleur) et les segments live.
Deux fonctionnalités phares, intégrées depuis des années dans l’univers Garmin via un accord de licence signé en 2015. Selon Strava, Garmin aurait depuis créé ses propres outils similaires, violant ainsi l’accord initial.
Mais en parallèle de cette plainte, un autre front s’est ouvert sur Reddit. Le Chief Product Officer de Strava, Matt Salazar, y expliquait que le vrai sujet n’était pas les brevets… mais un conflit autour de l’affichage du logo Garmin.
En juillet, Garmin a imposé de nouvelles règles à tous ses partenaires API : toute donnée provenant d’un appareil Garmin doit désormais inclure une attribution explicite. Logo, nom du modèle, ou mention textuelle. Strava a d’abord refusé, qualifiant cela de « publicité déguisée ». Puis a plié.
Garmin n’a même pas eu besoin de répondre
Le plus étonnant ? Garmin n’a jamais formellement répondu à la plainte. Le jour même du retrait, les seuls documents déposés au tribunal mentionnent l’identité de ses avocats. C’est tout. Aucune défense, aucun contre-argument. Comme si Garmin s’était contenté de fixer Strava dans les yeux… et avait attendu que son adversaire cligne le premier.
Ce que beaucoup d’observateurs du secteur comprennent, c’est que Garmin détient un arsenal juridique colossal. Avec des centaines de brevets liés au GPS, au sport, à la cartographie, à la connectivité, la marque américaine est un mastodonte difficile à intimider.
Strava vient-il de brûler le pont le plus stratégique de son histoire ?
Ce qui rend ce fiasco encore plus incompréhensible, c’est la relation historique entre les deux entreprises. Depuis plus de 15 ans, Garmin est le principal pourvoyeur de données sur Strava. Une majorité écrasante des activités enregistrées sur la plateforme provient d’un appareil Garmin. Couper ce flux, c’est condamner l’appli à court terme.
Et pourtant, dans cette guerre de brevets, Strava s’est attaqué à la main qui le nourrit.
Pire encore : pendant que le réseau social s’embourbait dans une stratégie juridique bancale, Garmin en profitait pour renforcer ses liens avec… Komoot, l’un des principaux concurrents de Strava.
La plateforme allemande est désormais mise en avant dans le processus de configuration des montres Garmin. Une trahison en règle, vécue comme telle par de nombreux utilisateurs historiques.
IPO en vue : panique stratégique ou coup de bluff ?
Ce timing interroge. À peine une semaine après avoir retiré sa plainte, Strava confirmait son intention de s’introduire en Bourse en 2026. Certains analystes pensent que le procès n’était qu’un outil de communication pour renforcer la valeur perçue de ses brevets. Mais cette version convainc peu : en voulant afficher sa force, Strava n’a fait qu’exposer sa fragilité.
Non seulement ses brevets n’ont pas été défendus sur le fond, mais la réaction publique a été très critique.
Sur Reddit, dans les médias tech, sur les forums d’athlètes, les commentaires se sont multipliés pour dénoncer la stratégie de Strava. Beaucoup ont résilié leur abonnement premium. Certains se tournent déjà vers Komoot, Ride with GPS ou d’autres alternatives.
L’image de Strava est écornée
Officiellement, l’affaire est close. Garmin ne poursuit pas Strava. Strava retire sa plainte. Mais officieusement, les dégâts sont considérables. L’image de Strava est écornée. Son lien avec Garmin est brisé. Son avenir dépend désormais de sa capacité à maintenir la connexion API active… et à convaincre ses utilisateurs qu’elle reste indispensable.
Garmin, de son côté, ressort renforcé.
La marque a prouvé qu’elle contrôlait la chaîne de valeur, du matériel à la donnée. Et si elle décidait demain de créer une version plus sociale de Garmin Connect, Strava pourrait ne jamais s’en relever.
Pour les traileurs, runners, cyclistes et triathlètes qui utilisent quotidiennement ces outils, ce conflit est un signal d’alerte. Il rappelle à quel point notre expérience utilisateur dépend de décisions stratégiques invisibles. Et que derrière chaque « segment » ou « carte de chaleur » se jouent des batailles de pouvoir entre géants du numérique.
En résumé, nous vivons la fin d’une époque dans le sport connecté
En voulant s’imposer face à Garmin, Strava a peut-être signé la fin de sa position dominante. Il reste à voir si les utilisateurs pardonneront, si les investisseurs suivront, et si Garmin décidera ou non d’exploiter cette brèche pour pousser ses propres services. Une chose est sûre : dans le monde du sport connecté, la confiance est une donnée encore plus précieuse que les segments.
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Mention éditoriale : Cet article s’appuie sur les publications de DC Rainmaker, Escape Collective, Cyclingnews, Bicycle Retailer, ainsi que sur les discussions publiques disponibles sur Reddit concernant le litige entre Strava et Garmin. Le texte a été intégralement rédigé par la rédaction de uTrail à partir de sources accessibles et vérifiables.
uTrail est un média indépendant, qui ne prend parti ni pour Strava ni pour Garmin, et qui ne vise en aucun cas à dénigrer les entreprises ou leurs dirigeants.
Notre objectif est d’informer de manière factuelle et transparente sur un sujet d’intérêt pour les sportifs connectés.