Le tir d’une balle de carabine peut provoquer un ricochet mortel à plusieurs centaines de mètres. Ce phénomène, trop peu médiatisé, constitue un risque balistique majeur pour tous ceux qui fréquentent la forêt : traileurs, randonneurs, cyclistes ou riverains.
Acheter un gilet fluo pour courir pendant la chasse
Dimanche 19 octobre, à Saint-Jean-d’Ataux en Dordogne, un chasseur de 74 ans a été blessé à l’abdomen par une balle qui aurait ricoché avant de le frapper. Ce scénario, loin d’être anecdotique, illustre un phénomène connu des armuriers et balisticiens : le ricochet balistique. Contrairement à un tir direct, le ricochet est incontrôlable. Il transforme une balle en projectile erratique, capable de frapper n’importe quelle cible, dans n’importe quelle direction. En milieu naturel, les conséquences peuvent être dramatiques.
Une trajectoire impossible à prédire
Le ricochet se produit lorsqu’un projectile ne pénètre pas entièrement sa cible et rebondit sur une surface dure ou anguleuse : roche, tronc, sol gelé, voire métal ou os. La vitesse initiale d’une balle de carabine de chasse peut dépasser 900 mètres par seconde. Même après un premier impact, elle conserve une énergie cinétique suffisante pour parcourir plusieurs centaines de mètres en ligne brisée, selon un angle modifié par l’obstacle rencontré. Ce phénomène est accentué lorsque la balle est de calibre élevé ou si elle possède une ogive blindée, plus rigide et donc plus apte à ricocher.
Le tir à l’horizontale sur un sol forestier irrégulier, ou en direction d’une pente ascendante, augmente considérablement les probabilités de ricochet. En battue, lorsque les tireurs visent des animaux en mouvement, souvent à travers un couvert végétal dense, la visibilité est réduite et les risques de tir indirects mal maîtrisés sont décuplés.
Une configuration typique en battue au chevreuil
Dans l’affaire de Saint-Jean-d’Ataux, le tir a eu lieu lors d’une battue au chevreuil, une chasse collective fréquente dans le Sud-Ouest. Ce type de chasse implique plusieurs postes répartis en lisière de bois ou le long de layons. Les chasseurs sont souvent alignés, à distance modérée, parfois séparés par des haies ou des talus. Le gibier, poussé par les traqueurs ou les chiens, surgit dans des angles parfois inattendus.
Dans cette configuration, une balle tirée à ras du sol peut heurter une pierre, une racine, ou même une partie non vitale de l’animal, et repartir à pleine vitesse dans une autre direction. Si un autre chasseur, un promeneur ou un traileur se trouve dans cette nouvelle trajectoire, il devient une cible involontaire. C’est exactement ce qui se serait produit ici : la balle aurait ricoché avant de percuter l’abdomen du tireur lui-même, situé à l’entrée d’un chemin au lieu-dit Puy de Siorac.
Pourquoi le ricochet est sous-estimé
La balistique civile accorde peu d’attention au ricochet, sauf dans les formations professionnelles encadrées (police, armée, sécurité). En chasse de loisir, peu de tireurs ont une réelle formation balistique. Beaucoup ignorent que le tir au sol ou dans un angle rasant, sans butée naturelle (colline, butte de terre, tronc), augmente exponentiellement le risque. De plus, les munitions utilisées ne sont pas toujours choisies en fonction de leur comportement après impact. Les balles blindées ou semi-blindées, utilisées pour leur pouvoir de pénétration, sont plus sujettes aux rebonds que les balles à ogive fragmentable, qui se désintègrent à l’impact.
Les recommandations des fédérations de chasse sont claires : ne jamais tirer sans visualiser parfaitement sa cible et son environnement, toujours s’assurer d’un fond de tir sûr, éviter les tirs rasant le sol. Mais dans la pratique, ces règles sont difficiles à appliquer dans des bois denses ou en situation de battue rapide. Un animal surgit, le réflexe de tir prend parfois le pas sur l’analyse de l’arrière-plan. C’est là que naît le risque balistique.
Un danger réel pour les traileurs
En trail, le coureur évolue souvent sur des sentiers forestiers isolés, parfois en pleine journée, souvent en silence. Il peut se trouver dans une trajectoire potentielle sans le savoir, surtout si la chasse n’est pas signalée ou mal balisée. Contrairement aux chasseurs, il ne porte pas toujours de gilet fluo, encore moins lorsqu’il s’entraîne seul ou en nature profonde. Si une balle ricoche dans sa direction, il n’a aucun moyen d’anticiper ni de se protéger.
Plus grave : certaines balles de gros calibre peuvent encore perforer un corps humain après un ricochet. Même ralentie, une balle de .308 ou de 30-06 garde une énergie létale bien au-delà de 300 mètres. Et comme le montre le cas de Saint-Jean-d’Ataux, ce ne sont pas uniquement les cibles frontales qui sont à risque. Le ricochet est sournois, aveugle, transversal. Il n’a pas besoin d’un vis-à-vis pour tuer.
Les leçons d’un week-end noir
Ce cas en Dordogne n’est pas isolé. Moins de 24 heures plus tôt, dans le Lot-et-Garonne, un homme de 64 ans est mortellement touché lors d’une autre battue, cette fois par un tir direct. Deux accidents, deux configurations différentes, mais une même question : le tir de loisir est-il suffisamment encadré pour éviter ces dérives balistiques ?
Le débat sur les jours sans chasse revient régulièrement. Mais au-delà du calendrier, c’est la formation technique, la sensibilisation aux risques balistiques et la connaissance du ricochet qu’il faut renforcer. Interdire un dimanche de chasse ne servira à rien si un chasseur continue à tirer à l’horizontale, sur sol rocailleux, sans vérifier sa ligne de fond.
Pour les traileurs, le message est clair : le ricochet est un risque invisible, mais bien réel. La prévention individuelle (gilet orange, itinéraires sécurisés, consultation des jours de chasse) reste essentielle. Mais elle ne suffira jamais à contenir une balle qui a changé de direction.
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