L’éboulement meurtrier des Égratz, survenu ce mercredi 20 août à l’entrée de la vallée de Chamonix, a rappelé la réalité du massif : même les zones les plus surveillées restent exposées aux mouvements de la montagne. Autour du Mont-Blanc, les signes se multiplient : chutes de séracs sur le glacier des Bossons, écroulements dans les Aiguilles de Chamonix, affaissements de moraines du côté de Courmayeur, ou encore fragilisation du sentier le long de l’Arve entre Les Houches et Chamonix.
Le Tour du Mont-Blanc ou l’UTMB ne sont pas seulement des défis sportifs hors norme, il traversent un environnement en perpétuelle évolution. À l’approche de l’UTMB 2025, une question s’impose : quels risques géologiques et climatiques pourraient encore peser sur le parcours dans les prochaines jours, et comment y faire face ?
Le massif du Mont-Blanc en mouvement permanent
Le massif du Mont-Blanc est un environnement géologiquement exceptionnel. Son relief abrupt, la présence de glaciers en recul rapide et la dégradation du pergélisol – ce sol gelé en permanence qui servait de ciment naturel – en font un terrain sensible aux instabilités. Ces phénomènes, parfois spectaculaires, ne sont pas isolés : ils se répètent tout autour du Tour du Mont-Blanc, sur des secteurs que les coureurs de l’UTMB traversent chaque année.
Les glaciers : séracs et ruptures
Un sérac est une tour ou un bloc de glace formé par les fractures internes d’un glacier. Ces structures, hautes parfois comme un immeuble, se forment dans les zones de forte pente ou de rupture de pente glaciaire. Spectaculaires mais instables, elles peuvent s’effondrer sans prévenir, libérant des milliers de tonnes de glace.
• Glacier des Bossons : en juin 2015, une rupture majeure a arraché plusieurs centaines de mètres de glace. En 2022, la formation d’un lac au pied du glacier a nécessité une vidange artificielle pour prévenir un risque de débordement catastrophique.

• Glacier de Taconnaz : il présente lui aussi des séracs instables, placés au-dessus de la vallée, surveillés de près car ils pourraient affecter directement les zones habitées.
Les parois rocheuses : pergélisol et éboulements
Le pergélisol agit comme une colle en haute montagne : il soude les roches entre elles. Mais quand il dégèle, les parois perdent leur cohésion.
• Aiguilles de Chamonix : en août 2023, un écroulement estimé entre 10 000 et 20 000 m³ entre l’éperon Frendo et le couloir Mallory a fait résonner toute la vallée.

• Aiguilles du Dru : plusieurs écroulements ont redessiné la montagne ces dernières décennies, dont la chute du pilier Bonatti en 2005, monument de l’alpinisme.
Les moraines et terrains meubles
Une moraine est un amas de pierres et de sédiments abandonnés par un glacier en recul. Instables par nature, ces terrains réagissent vivement aux pluies intenses.
• Vallon de Bérard (Aiguilles Rouges) : en septembre 2024, un éboulement de 30 000 à 40 000 m³ s’y est produit, un volume équivalent à plusieurs dizaines de maisons.

• Cols du Bonhomme et de la Seigne : bien connus des coureurs de l’UTMB, ces passages longent des moraines où de petits glissements sont régulièrement observés après des orages.
Les torrents et fonds de vallée
Les fonds de vallée ne sont pas épargnés : les torrents gonflent brutalement lors des orages, emportant sols et sentiers.
• Sentier de l’Arve entre Les Houches et Chamonix : des éboulements récents ont fragilisé le chemin au point de contraindre l’organisation à modifier les tracés de la TDS et de l’UTMB en 2025.
• Aux Contamines et à Courmayeur : certaines berges de torrents ont déjà cédé sous l’effet de crues rapides, endommageant des sections de sentier utilisées par les courses.
Ces exemples, de la haute montagne glaciaire aux fonds de vallée, montrent que le massif est traversé de risques multiples et évolutifs. Pour les habitants, les randonneurs comme pour les coureurs de l’UTMB, il s’agit moins de s’en effrayer que de les comprendre, afin de mieux les anticiper.
L’influence de la météo à court terme
Les risques géologiques du Mont-Blanc existent en permanence, mais leur intensité dépend étroitement de la météo. Or, pour la période de l’UTMB (26–31 août 2025), les prévisions annoncent une alternance de journées calmes et de passages perturbés, avec des averses orageuses probables en début d’épreuve, puis un nouvel épisode pluvieux autour du 29–30 août. La Haute-Savoie est déjà placée en vigilance jaune orages par Météo-France.

Les pluies intenses agissent comme un déclencheur : elles saturent les terrains meubles, accélèrent l’érosion des berges et s’infiltrent dans les fissures des parois rocheuses. Les orages, eux, combinent précipitations brutales, variations rapides de température et vents violents, trois facteurs qui fragilisent aussi bien la glace que la roche. C’est souvent cette combinaison qui précipite un éboulement ou un glissement.
Pour les organisateurs comme pour les coureurs, cela signifie que certaines sections du Tour du Mont-Blanc pourront rester parfaitement praticables… mais aussi qu’un orage peut venir changer la donne. La météo de fin août ne garantit pas qu’un incident se produira, mais elle impose une vigilance renforcée et la préparation de solutions de repli sur les portions sensibles.
Adapter les courses en fonction des risques.
Pour cette nouvelle édition, des ajustements de parcours ont d’ores et déjà eu lieu et montrent bien cette adaptation permanente : le départ entre Chamonix et Les Houches a été modifié pour éviter une portion fragilisée par des éboulements, et la TDS connaît un final revisité pour contourner une berge endommagée.
Ces décisions sont prises dans les semaines qui précèdent la course, mais également en temps réel au sein du PC course. Installé dans la Maison UTMB à Chamonix, le PC Course centralise toutes les informations : progression des coureurs, bulletins météo actualisés plusieurs fois par jour, retours des bénévoles sur le terrain. C’est là que se décident en temps réel les neutralisations temporaires, les activations de variantes ou l’envoi de renforts.
Sur le terrain, près de 2 500 bénévoles et des équipes de secours spécialisées jalonnent le parcours, assurant la surveillance des zones sensibles et transmettent toute alerte au PC course. Ce maillage dense permet de réagir rapidement, même dans des conditions dégradées.
Enfin, les participants eux-mêmes font partie du dispositif. Le matériel obligatoire – veste imperméable, lampe frontale, couverture de survie – n’est pas une formalité : il permet d’attendre en sécurité si un orage force l’arrêt d’une section, ou de poursuivre dans des conditions soudainement plus hostiles.
L’UTMB se déroule tous les ans au cœur d’un massif unique mais fragile, rendu instable par le réchauffement climatique. Aucune prévision, aucun dispositif ne rendra jamais la montagne complètement sûre, abolissant le danger. Mais de nombreux moyens sont mis en place pour surveiller, expertiser, adapter, prévoir des plans de replis, informer et responsabiliser les coureurs. Au total, courir l’UTMB c’est avoir la chance de profiter de la beauté, mais aussi de la fragilité d’un massif mythique
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