Le trail minimaliste
Le trail est né comme une pratique libre, en dehors des stades, des chronos officiels, et des grandes marques. Pourtant, depuis une quinzaine d’années, il est devenu un marché. Équipements ultra-techniques, chaussures à plaque carbone, montres à 900 €, diététique calibrée : tout pousse le coureur à investir dans du « dernier cri ». L’élite est équipée comme des astronautes. Le problème ? Ce modèle s’impose comme la norme.
Chaussures de Trail Salomon Sense Ride 5
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Le trail minimaliste : l’émergence d’un contre-modèle
Face à cette industrialisation, certains traileurs — comme Amaury Canals — revendiquent une autre manière de faire. Courir en sandales ou en chaussures minimalistes, réparer son sac, refuser l’accumulation de matériel, c’est aussi un acte politique. Cela remet au centre la technique de course, la sensation, l’autonomie. Et ça dérange : beaucoup y voient de la provocation.
Une fracture qui dépasse la chaussure
Ce débat en apparence technique est en réalité culturel. D’un côté, les adeptes de la performance par l’optimisation technologique. De l’autre, ceux qui défendent un retour au « corps en mouvement », à la montagne brute. Le trail devient ainsi le théâtre d’un affrontement entre deux visions du sport, et même du monde : celle du contrôle… et celle du lâcher-prise.
Le minimalisme: un mouvement bien plus vaste que la course à pied ou le trail
Le choix de courir en sandales pour Amaury Canals ne se limite pas au sport. Il s’inscrit dans une tendance culturelle globale : le minimalisme ou « voluntary simplicity », déjà identifié comme mode de vie houleux depuis la crise de 2008. Aujourd’hui, il se déploie à l’échelle mondiale, comme une réponse à la surconsommation, au consumérisme et à la surcharge mentale de l’époque moderne.
Le minimalisme encourage à se focaliser sur l’expérience plutôt que l’objet, à réduire le superflu pour retrouver du temps, du sens et de l’autonomie.
Le trail reflète la société
Le trail, sport longtemps libre et peu normé, est aujourd’hui guidé par l’innovation technique : chaussures ultra-amorti, plaques carbone, GPS dernier cri, protections connectées… Une matérialité qui dicte de plus en plus l’accès à la pratique.
En opposition, des coureurs comme Amaury revendiquent la simplicité, un geste technique désigné comme un acte symbolique contre l’industrialisation du trail. Cette polarisation est à l’image d’autres domaines où minimalisme et nostalgie d’un fonctionnement plus organique se répandent (design, habitat, nutrition…).
Minimalisme populaire et fracture sociale
À côté du minimalisme volontaire, il existe un autre minimalisme subi, imposé par pauvreté ou précarité — une différence souvent ignorée dans la célébration mainstream du mode de vie sobre. Ce contraste alimente les tensions dans le trail : certains voient un acte revendicatif, d’autres y perçoivent une posture surfaite.
Le trail comme microcosme d’un débat plus large
Ce clivage entre suréquipement et simplicité n’est pas isolé. Il s’aligne sur des mouvements sociétaux comme le downshifting, le slow living, le FIRE, ou le “lying flat” en Asie — qui questionnent la course au toujours plus, et prônent un recentrage sur l’humain, l’environnement et le lien social.
Dans le trail, le choix des sandales devient alors un signe visible d’un autre rapport à l’effort, à la nature, au corps — et à la consommation.
Des références pour aller plus loin
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Zygmunt Bauman parlait déjà de la modernité liquide et de la quête de simplicité dans des sociétés de plus en plus chaotiques.
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L’essayiste Duane Elgin qualifiait déjà dans les années 1980 le minimalisme volontaire de possible réponse à la montée du malaise social et écologique.
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Une étude sociologique récente analyse l’émergence d’« athlètes minimalistes » parmi les sportifs amateurs, pour comprendre ce besoin de retour à l’essentiel en contexte sportif.
Résumé
Entre les coureurs en chaussures à 200 € et ceux qui choisissent les sandales, une fracture culturelle s’installe dans le trail. Elle révèle une tension plus large entre technicisation et retour aux sources, entre consommation et liberté.
FAQ
Est-ce qu’il faut être riche pour bien s’équiper en trail ?
Non. Un bon équipement n’est pas forcément le plus cher. Il doit être adapté à votre niveau, votre pratique et vos terrains.
Le minimalisme est-il un rejet du progrès ?
Pas forcément. C’est souvent un recentrage sur la technique, l’écoute de soi, et une critique des excès commerciaux.
Peut-on faire de la perf sans matos ?
Oui. De nombreux coureurs le prouvent, notamment sur trail court et moyen. Le corps et l’entraînement restent la base.
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