A-t-on un problème en France avec l’idée de gagner ?
Ces élites qui « ne sont pas là pour gagner » : posture sincère ou stratégie bien huilée ?
Dans le trail français, une petite musique revient de plus en plus souvent. Un refrain doux, rassurant, presque attendrissant. On tend le micro, on pose la question classique sur l’objectif de course, et la réponse tombe, tranquille : « Je ne suis pas là pour gagner. »
Ce discours, on l’a entendu encore tout récemment de la bouche de Mathieu Blanchard avant la Hardrock 100. Il l’a dit texto : « The good things for me is going for an adventure and not going for a victory. » Une parole franche, sans détour. Mais ce n’est pas la première fois. Ni lui, ni d’autres.
Blanchard, D’Haene, Casquette Verte… même refrain, mêmes contradictions
Ce n’est pas un cas isolé. Il y a quelques semaines, François D’Haene déclarait à la veille de la Transylvania 100K qu’il n’était pas venu pour gagner, mais juste pour « valider des sensations » après blessure. Résultat ? Il gagne la course en survolant les Carpates.
Même schéma lors de son record du Nolan’s 14. L’objectif affiché était de « le valider en 60h ». Il boucle l’enchaînement en 35h33, explosant le précédent FKT de plus de 3h30…
Mathieu Blanchard n’est pas en reste. À la Snowdonia en mai dernier, il annonçait vouloir tester sa nutrition et préserver son énergie pour la Hardrock. Il termine deuxième.
Et que dire de Casquette Verte ? Avec son image décalée et son humour de façade, il répète régulièrement qu’il n’est pas là pour la perf’, mais s’impose sur des ultras exigeants, avec une régularité qui trahit une vraie densité athlétique.
Faut-il les croire ? Oui, mais pas trop.
Ces athlètes ne mentent pas. Leur intention est souvent sincère. Ils savent que l’image publique du traileur humble, proche de la nature et des autres, est précieuse. Dire qu’on vient pour l’expérience, pas pour la gagne, c’est une manière de désamorcer la pression. De se protéger. D’éviter les critiques en cas d’abandon. Et parfois, c’est un simple garde-fou mental, pour ne pas trop s’enfermer dans l’obsession du résultat.
Mais à force de trop l’entendre, ce discours interroge. Car les faits disent souvent le contraire : entraînement millimétré, staff complet, sponsors en attente de retombées, stratégie de course étudiée. L’écart entre les paroles et les actes devient perceptible. Et les observateurs ne sont pas dupes : quand un élite dit qu’il ne vise pas la victoire, c’est souvent qu’il vise tout sauf la défaite.
Une posture bien française ?
Cette retenue dans l’expression de l’ambition est-elle typiquement française ? C’est possible. L’ultra français valorise encore le panache, l’humilité, la sincérité brute. Afficher son envie de gagner peut être perçu comme de l’arrogance. On préfère l’humilité feinte à l’ambition assumée.
Mais dans un sport de plus en plus médiatisé, suivi en direct, analysé en stories et en threads, ce discours devient un outil de communication. Un code. Une manière de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier médiatique.
pas dupes, mais indulgents
Il ne s’agit pas de mensonge. Plutôt d’un positionnement. Ces élites veulent garder une marge de liberté, refuser l’étiquette d’ultra-compétiteur. Et on peut les comprendre. Mais il ne faut pas les prendre au pied de la lettre.
Car dès qu’un dossard est accroché, l’instinct de performance reprend toujours ses droits.
Et peut-être qu’un jour, dans le trail français, dire qu’on veut gagner ne sera plus un tabou. Ce sera simplement normal.
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