Dans ses prises de parole les plus sincères, Kilian Jornet ne parle pas de trophées ni de records. Il parle de doute, de peur, de survie. C’est loin des lignes de départ d’un ultra-trail que ces moments surgissent. C’est en haute montagne, là où le chronomètre ne compte plus, que le Catalan a frôlé ses limites les plus profondes.
Kilian Jornet
L’un des épisodes les plus marquants pour Kilian Jornet remonte à 2017, lors de sa double ascension de l’Everest, sans oxygène et sans cordes fixes.
Ce défi hors norme a rapidement basculé dans une épreuve intérieure : vomissements, troubles digestifs sévères, perte de lucidité… À un moment, Jornet n’avance plus. Il ne pense ni à redescendre, ni à continuer. Il tente simplement de rester conscient. Respirer. Survivre.
Dans le documentaire qui suivra, il ne décrit pas un exploit, mais une lutte nue. Ce n’est plus le sommet qui importe, mais la conscience de l’instant. Et dans ce chaos intérieur, une pensée lui donne un point d’ancrage : il a choisi d’être là. Il n’est pas une victime. Ce choix revendiqué, assumé, devient alors son levier pour reprendre le contrôle et entamer la descente.
Cette capacité à ne pas subir, même dans l’extrême, est ce qui distingue Kilian Jornet. Non pas l’absence de peur, mais l’acceptation de celle-ci comme une alerte, un signal à écouter plutôt qu’un mur à franchir.
Dans une interview pour Brut Mental, il approfondit cette philosophie.
Là encore, pas de posture de héros. Juste une vérité nue :
« J’ai été dans des situations où j’ai pensé que je n’allais pas m’en sortir », avoue-t-il.
Il évoque alors des chutes évitées de peu, des avalanches, des crevasses… et surtout, cette froide lucidité qui s’impose quand tout semble basculer :
« Dans ces moments-là, on est capables de prendre des décisions en très peu de temps. Et on met notre corps à un niveau qu’on pensait impossible. »
Mais là encore, ce n’est pas la condition physique qui le sauve. C’est un état d’esprit. Un engagement intérieur total, combiné à un sens aigu des responsabilités.
« Si je suis là, c’est parce que je l’ai choisi. Je ne suis pas une victime. »
C’est ce regard lucide sur soi-même qui permet à Jornet de rester maître, même dans la tourmente.
Et surtout, d’accepter l’échec. Pour lui, renoncer n’est pas un aveu de faiblesse, c’est un signe d’intelligence. Il le dit sans détour :
« Il ne faut pas avoir peur de faire demi-tour. Il faut être ambitieux sur les limites qu’on ne connaît pas, mais très humble sur celles qu’on connaît. »
Cette humilité, il la met en pratique sur toutes ses traversées, que ce soit dans l’Himalaya ou sur le massif du Mont-Blanc. Il y court en solitaire, jusqu’à 20 heures par jour, sur des terrains où la moindre erreur peut être fatale. Et ce qu’il redoute le plus, ce n’est pas l’épuisement physique. C’est l’usure mentale.
« Mon cerveau était dans un état comparable à celui d’un accident de voiture », explique-t-il.
Et pourtant, il découvre que 1h30 de sommeil suffit parfois à le remettre d’aplomb. Un enseignement simple, mais fondamental pour tous les coureurs d’endurance : la gestion du repos, du stress, de l’alimentation est plus essentielle que n’importe quelle technologie.
Finalement, Kilian Jornet ne nous parle pas de performance. Il nous parle de vie. De ce que l’effort révèle, de ce que la peur enseigne. Une sagesse née dans la douleur, dans l’altitude, dans la solitude. Là où ce que l’on croyait être des faiblesses se transforment en forces… à condition de les écouter.
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Image extraite de l’interview vidéo de Kilian Jornet publiée par Brut sur YouTube, utilisée ici dans un contexte d’actualité et d’analyse, conformément au droit à l’information (article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle).