Dans le monde de l’ultra-trail, il y a des phrases qui marquent.
Celle prononcée par Ludovic Pommeret après sa 4e place à la Diagonale des Fous 2025 est de celles-là :
« Je regardais ma montre dans la descente du Maïdo, je me sentais bien… puis j’ai vu que j’étais à 5.08 min/km. Et là je me suis dit : mais c’est nul ! »
Oui, vous avez bien lu. 5 minutes 08 au kilomètre. Après 150 kilomètres de course. Et c’est « nul » ?
Il ne faut pas plus pour enflammer les réseaux sociaux et ouvrir un débat bien plus profond qu’il n’y paraît : à quel moment, dans le trail, la performance déconnecte-t-elle du réel ?
Acheter le livre de Ludovic Pommeret
Un prisme de champion… et une réalité déformée
Bien sûr, personne ne remet en cause la légitimité de Ludovic Pommeret à juger ses propres sensations. À 50 ans, il a enchaîné trois des 100 miles les plus redoutables de la planète en trois mois. Il est l’un des coureurs les plus respectés du circuit. Il parle pour lui, depuis son niveau à lui, et c’est précisément ce qui trouble.
Cette phrase, prise dans son contexte, exprime une frustration personnelle. Mais sortie de ce contexte, elle devient autre chose. Un miroir cruel pour ceux qui, même au mieux de leur forme, n’atteignent jamais cette allure en descente… ou ailleurs.
5 min/km, un luxe inaccessible pour la majorité
Il faut le rappeler : 5 minutes au kilomètre, c’est 12 km/h. Après 150 km de course, de chaleur, de souffrance et de nuits sans sommeil, c’est un exploit. Pour l’immense majorité des finishers de la Diagonale, même les plus rapides, ce rythme est hors d’atteinte sur les descentes techniques de La Réunion.
Sur certains tronçons, maintenir 8 ou 9 minutes au kilomètre relève déjà de l’acharnement. Et dans la descente du Maïdo, qu’on présente souvent comme « roulante », les cuisses sont en feu, les quadriceps hurlent, les appuis vacillent.
Ce que ça révèle de notre rapport à la performance
Le plus intéressant dans cette phrase n’est pas qu’elle soit provocante, mais qu’elle révèle un décalage croissant entre l’élite et le peloton. Non pas un écart de niveau – il a toujours existé – mais un écart de référentiel.
Quand un champion comme Pommeret parle de « mauvaise descente » à 5 min/km, il ne cherche pas à rabaisser. Il exprime une norme personnelle. Mais dans une discipline où tout est exposé – chronos, segments, rankings – ce type de déclaration peut alimenter un sentiment d’infériorité, voire d’illégitimité, chez les autres pratiquants.
Les réseaux sociaux, chambre d’écho du malaise
Sur Facebook, les réactions oscillent entre humour et agacement. Certains répondent « moi je veux bien faire 5’ au kil après zéro kilomètre », d’autres reconnaissent que « ça pique un peu de lire ça », et beaucoup ajoutent avec tendresse : « j’aimerais être nul comme lui ».
Mais un commentaire résume peut-être le fond du débat :
« Voilà où nous mène le culte de la performance : qui peut encore dire qu’il court pour le plaisir ? »
Et c’est là que le propos devient universel. Non, courir à 5 minutes au kilomètre n’est pas nul. Ce n’est jamais nul, surtout après 150 kilomètres. C’est une prouesse. Le dire autrement, c’est peut-être sans le vouloir poser une hiérarchie là où il ne devrait y avoir qu’un terrain d’expression libre.
Pommeret, toujours classe… même dans la maladresse
Ludo n’a rien d’un donneur de leçons. Il est connu pour sa modestie, son respect du peloton, son élégance d’homme et de coureur. Cette phrase maladroite n’est pas une attaque. C’est une lucarne sur l’exigence d’un athlète qui ne se juge qu’à l’aune de ses propres standards.
Mais dans un sport où la majorité des coureurs se bat juste pour finir, les mots comptent.
Et dans ce contexte, dire que 5 min/km c’est « nul »… c’est peut-être un peu trop.
Alors, est-ce que c’est nul ?
Non. C’est même exceptionnel. Et à 50 ans, c’est carrément mythique.
Mais si cette phrase a autant résonné, c’est parce qu’elle bouscule. Parce qu’elle interroge notre besoin de nous comparer, de mesurer, d’évaluer sans cesse. Et parce qu’elle rappelle, aussi, que le trail reste une affaire d’humains avant d’être une affaire de chiffres.
Source
- Distances +
- et Esprit Trail
Lire aussi
Lire encore
- Diagonale des FOUS : bonne nouvelle, confirmation passage par le Maïdo(
- Diagonale des Fous en direct : Mathieu Blanchard a 6 minutes d’avance et il reste 35 km de course
- Passer de la route au trail : Katie Shide est la preuve que les traileurs peuvent courir très vite sur route
Il s’agit d’une réflexion de bonne foi sur notre rapport collectif à la performance dans le trail, à partir d’un extrait de propos relayés publiquement.
La photo utilisée provient de son compte Facebook professionnel, public au moment de la publication, et est intégrée dans le respect du droit à l’information.







