À la suite de notre article intitulé « Le trail aux États-Unis : pourquoi les contrôles antidopage sont bien plus stricts qu’en France », l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a souhaité exercer son droit de réponse, afin d’apporter des précisions et de corriger certaines informations. La rédaction de uTrail en a profité pour poser quelques questions complémentaires. Voici les réponses transmises par l’AFLD.
Les questions de uTrail sur la lutte anti-dopage en France
Votre demande me donne l’occasion d’engager un échange constructif, et je serais heureux de relayer vos éclairages dans un prochain article ou en droit de réponse, si vous le souhaitez. Je me permets également de vous adresser une série de questions, qui intéressent tout particulièrement notre lectorat :
1- Statistiques et pratiques actuelles
– Quel pourcentage des participants à des trails en France font l’objet d’un contrôle antidopage ?
– Quelle est la répartition entre les contrôles ciblant les élites et ceux visant les amateurs ?
– Disposez-vous de chiffres différenciant les courses organisées par des acteurs publics (collectivités, fédérations) et privés (organisations commerciales) ?
2- Encadrement des contrôles
– L’AFLD peut-elle imposer la mise en place de contrôles antidopage à un organisateur privé / public de trail ?
– Peut-elle exiger que les trois premiers h et f au classement soient systématiquement testés ?
– Les organisateurs peuvent-ils être sanctionnés s’ils ne prévoient aucun contrôle ?
– Est-il envisageable d’évoluer vers une obligation de contrôle systématique des podiums sur toutes les épreuves ?
3- Transparence des résultats
– Pourquoi les résultats des contrôles ne sont-ils pas rendus publics, y compris lorsqu’ils sont négatifs ?
– Une publication systématique des résultats (comme dans d’autres pays ou disciplines) est-elle envisagée à l’avenir ?
4- Méthodologie et fiabilité
– Dans le cadre des trails, quels types d’analyses sont actuellement pratiqués : uniquement des analyses d’urine, ou également des prises de sang ?
– Quelle est la valeur scientifique d’une analyse d’urine aujourd’hui ? Peut-on la considérer comme fiable à 100 % ?
5- Coûts et accessibilité
– Quel est le coût moyen d’un contrôle antidopage sur une course ?
– Est-ce que le prix constitue, selon vous, un frein majeur pour les organisateurs de trail, en particulier les structures indépendantes ou de petite taille ?
– Est-il possible de subventionner ces contrôles ?
– L’AFLD propose-t-elle un accompagnement ou des aides financières pour encourager la réalisation de ces contrôles sur le terrain ?
Ces éléments permettraient d’apporter une mise au point utile pour notre lectorat, de plus en plus sensible aux questions d’équité et de transparence dans le trail.
Les réponses de l’AFLD : Comment l’AFLD organise la lutte antidopage dans le trail
L’AFLD accompagne depuis plusieurs années l’essor du trail en France en renforçant progressivement le suivi du haut niveau et des compétitions organisées sur le territoire. L’AFLD a la compétence en matière antidopage à l’égard de tout sportif, français ou étranger, dès lors qu’il se prépare ou participe à des compétitions. A la différence d’autres organisation nationales antidopage, l’AFLD peut exercer ses contrôles sur toute compétition organisée en France, qu’elle soit ou non organisée par une fédération sportive, dès lors qu’il y a remise de prix en argent ou en nature. Des compétitions fédérales comme des compétitions privées peuvent être contrôlés d’initiative par l’AFLD dont l’action n’est pas, à l’instar d’autres agences nationales, conditionnée au fait de conclure un amont un partenariat avec des organisateurs privés.
L’AFLD n’a donc pas besoin d’imposer des contrôles à des organisateurs privés : elle peut les effectuer elle-même sans l’accord de ces derniers. Un sportif qui se soustrairait à un contrôle antidopage commet une violation des règles antidopage lui faisant encourir une suspension de quatre ans, de même qu’un délit pénal, si lui-même ou un tiers s’oppose aux opérations de contrôle.
Le trail est donc l’une des 120 disciplines qui sont suivies par l’AFLD (à mettre en comparaison avec celles suivies par USADA, par exemple). En 2024, le trail a même représenté la 12e discipline la plus contrôlée dans le cadre de notre programme annuel de contrôles, devant le judo et la natation, avec 160 prélèvements (urinaires et sanguins) contre 62 en 2022.
En compétition, dans un souci d’efficacité et de dissuasion, les préleveurs ne sont pas missionnés sur les mêmes compétitions d’une année sur l’autre, et le ciblage des contrôles ne dépend pas uniquement du classement final mais d’un ensemble plus vaste d’éléments et d’information à la discrétion du département des contrôles et du département des enquêtes et du renseignement de l’AFLD. Le ciblage des sportifs contrôlés peut reposer sur une stratégie de « ranking » en contrôlant systématiquement ceux formant le podium mais il intègre aussi des ciblages en fonction de renseignements et d’analyses des performances : il existe donc un intérêt à faire évoluer le ciblage, à partir certes du rang sportif mais en intégrant d’autres données, dans une logique de dissuasion. Le risque de cibler systématiquement le podium est de créer une habitude et de se priver de l’aléa du contrôle : or, la menace perpétuelle du contrôle, quel que soit son rang, reste le meilleur facteur de dissuasion.
La lutte antidopage s’est également déplacée en dehors de la compétition pour détecter les protocoles de préparation, souvent les plus efficaces dans les disciplines d’endurance. De ce point de vue, les contrôles hors compétition sont cruciaux pour le trail. C’est pourquoi les meilleurs trailers français ont été intégrés dans le groupe cible et dans le groupe de contrôle de l’AFLD et doivent donc fournir quotidiennement leur localisation pour pouvoir être contrôlé hors compétition.
Les prélèvements peuvent être sanguins et/ou urinaires. Environ 500 substances sont recherchées sur l’analyse de base à laquelle peuvent s’ajouter des analyses spécialisées pour certaines substances (comme l’EPO, par exemple). Le choix de la matrice recueillie dépend des substances recherchées et des analyses qui seront effectuées. Des prélèvements spéciaux peuvent également être décidés pour le profil biologique de l’athlète (dit aussi « passeport biologique ») qui permet un suivi dans la durée des paramètres biologiques et donc une détention indirecte du dopage.
Tous les échantillons urinaires et sanguins collectés par l’AFLD sont analysés par un des 28 laboratoires antidopage accrédités dans le monde, essentiellement le laboratoire antidopage français (LADF) à la pointe parmi la communauté antidopage. Le LADF, comme tous ces laboratoires antidopage, sont contrôlés en permanence par l’Agence mondiale antidopage pour vérifier la qualité de leurs analyses (ce qui peut leur valoir, en cas de défaut, d’être suspendus d’activité). Leurs seuils de détection sont très sensibles, avec quelques nanogrammes par millilitre.
Notre programme de contrôles est établi également en collaboration avec les autres organisations antidopage comme l’International Testing Agency (ITA) à laquelle l’UTMB Group a délégué son programme antidopage.
L’AFLD finance l’intégralité des contrôles de son programme annuel de contrôles – plus de 12 000 prélèvements en 2024 – à partir de la subvention reçue de l’Etat pour mener sa mission. Les organisateurs peuvent financer des contrôles supplémentaires, même si c’est l’AFLD qui garde la maîtrise du ciblage des contrôles et de la gestion de leurs résultats d’analyse puisque la procédure disciplinaire est gérée par le département des affaires juridiques et institutionnelles de l’AFLD. En France, l’effectivité de la lutte antidopage dans une discipline ne dépend donc pas de la bonne volonté des organisateurs. Au mieux, ces derniers peuvent contribuer pour amplifier l’effort de contrôles mais ne peuvent aucunement s’y opposer.