Champion du monde : il attaque un guide qui n’a pas voulu le tuer
Oui vous avez bien lu. En septembre 2019, un PDG de la Silicon Valley est parti en expédition sur l’Everest. Le problème est qu’en raison d’un risque trop élevé de chute de sérac (des gros blocs de glace), cette expédition a dû être arrêtée prématurément. Et ce PDG a réclamé 100.000 dollars à cause de ça…
L’homme en question s’appelle Zachary Bookman et le guide contre lequel il a déposé plainte est un américain aussi, et s’appelle Garett Madison. En automne, on le sait bien, la saison est un peu plus délicate que le printemps ou l’été pour aller faire de l’alpinisme. Alors s’attaquer à l’Everest… Il faut quand même pas être bien cuit pour se douter que ça peut être un peu dangereux.
Mr Madison, avec le concours de Mountain Hardware, organise l’expédition, où participent 3 PDG (une d’une entreprise de consulting à Boston, celui de Mountain Hardware, et notre zozo, qui gère une start up de cloud numériue). A priori, ce n’est pas un amateur. Il a déjà grimpé l’Everest une dizaine de fois et sur les dix dernières années, il a mené une soixantaine d’expéditions. A combien ça revient l’expédition ? Autour de 70.000 dollars (ou 60.000 euros) ; je croyais que c’était beaucoup, mais visiblement, c’est le prix normal.
Au vu des risques potentiels présents, deux membres de l’expédition choisissent de descendre, tandis que Bookman et Madison restent une semaine au camp de base, avec l’espoir que le sérac s’explose une bonne fois pour toutes et libère les voies. Sauf que ça n’arrive pas, si bien qu’ils doivent descendre. Bookman n’est pas content et a un argumentaire assez drôle, à savoir que « il y a des centaines de séracs sur ce versant. C’est comme marcher en forêt, choisir un arbre et dire « l’arbre doit tomber » ». Est-ce qu’on doit lui expliquer la différence entre un sérac et un arbre ? Pour rappel à cette période, toutes les expéditions ont renoncé, à l’exception de Kilian Jornet qui, même lui, avait décidé de rebrousser chemin. Donc bon…
Rentré chez lui vivant, l’entrepreneur chafouin a saisi la justice, expliquant qu’il avait échoué dans sa demande de remboursement, et réclamant 100.000 dollars de dommages et intérêts. Pourquoi ? Parce qu’il dit avoir été contraint de renoncer uniquement parce que les autres membres de l’expédition n’étaient pas en forme et que les sherpas étaient « fainéants et inefficaces » (on dirait du Trump dans le texte… Bordel, c’est beau!).
Interrogé par GeekWire, le guide explique d’une part que la sécurité prime avant tout (je ne comprends même pas que ça doive être un argument, c’est juste la base) et d’autre part que le contrat est très explicite: pas de remboursement, pas de garantie d’atteindre le sommet ou un point haut en particulier ». Le guide est cependant inquiet, car s’il perd, son entreprise ne s’en relèvera pas. Après, d’un point de vue contractuel, ça me semble clair.
D’un point de vue plus général, il y a un risque assez grave de jurisprudence. Personnellement, je suis guide et si je me fais attaquer en justice parce que j’ai pas envie de mourir en montagne, franchement, je change de métier. Je ne sais pas dans quelle mesure on met dans les contrats que la décision du guide prime, mais si c’est pas le cas, ce serait pas mal qu’on l’ajoute. Car les clients n’ont pas l’expérience et l’expertise d’un guide. Ou alors, qu’ils y aillent seuls et qu’ils y crèvent seuls.