Radda in Chianti, 23 mars 2025. C’est une image qu’on n’avait plus vue depuis longtemps : Kilian Jornet dominé, impuissant, spectateur d’une course qui lui échappe. Ce samedi sur le Chianti Ultra Trail 100M, le roi du trail a pris une leçon de vitesse. Jim Walmsley l’a distancé dès le premier tiers de course, lui a collé près de 30 minutes, et ne lui a jamais laissé l’ombre d’une chance de revenir. Faut-il y voir un simple accident… ou le signe que l’ère Kilian touche à sa fin ?
Kilian Jornet
Le bilan est brut : Jornet termine 2e en 10h27, 28 minutes derrière Walmsley, et à peine 30 secondes devant Vincent Bouillard. À ce niveau, ce n’est pas une course. C’est une reddition en règle. Le plus troublant ? Il n’a jamais attaqué. Jamais tenté. Jamais résisté. Dès Monteluco (km 50), Walmsley est parti. À Cantalici (km 58), l’écart est de 8 minutes. À Gaiole (km 74), Kilian boîte. À Villa Vistarenni (km 87), il est à 30 minutes. Et jamais, absolument jamais, il ne répond. Comment comprendre ?
Chianti Ultra Trail : les 4 raisons qui expliquent l’échec de Kilian Jornet
1. Un contexte personnel chargé : la naissance de son enfant
Ceux qui suivent Kilian Jornet de près le savent : quelques jours avant la course, il est devenu père pour la troisième fois. Un moment de bonheur évident, mais aussi un changement de rythme, de priorités, et probablement de sommeil. À ce niveau de compétition, la moindre altération du quotidien peut faire la différence. Kilian lui-même a évoqué dans le passé combien la parentalité pouvait affecter sa préparation. Et même s’il n’en a rien dit publiquement cette fois, il est difficile d’imaginer qu’il soit arrivé au départ dans une forme optimale, puisqu’il avait évoqué le fait de ne même pas prendre le départ jusqu’à quelques heures avant la course.
2. Une gêne physique persistante : douleur au TFL
Autre élément majeur : une douleur au TFL (tenseur du fascia lata) détectée dès la mi-course. Au ravitaillement de Gaiole in Chianti (km 74), des observateurs l’ont vu boiter légèrement. C’est à ce moment-là que Jim comptait déjà plus de 20 minutes d’avance. Cette gêne n’a pas empêché Kilian Jornet de finir – ce qui est en soi une belle performance – mais elle a certainement bridé sa foulée et sa capacité à relancer dans les parties roulantes. Gérer une douleur sur 50 km, quand l’adversaire est en pleine possession de ses moyens, n’est pas tenable. Excès de ski cet hiver ? Manque d’entraînement ? Ou le corps qui vieillit ?
3. La volonté de se préserver pour la suite de la saison
Kilian n’est plus dans une logique de tout gagner à tout prix. Il l’a répété : il construit ses saisons autour de quelques objectifs ciblés, avec une attention accrue à la longévité. Dans cette optique, le Chianti Ultra Trail pouvait très bien n’être qu’un test grandeur nature, une course de préparation pour valider l’entraînement hivernal et jauger son état de forme sans prendre de risques inconsidérés. Quand il a senti que Jim était imprenable, et que la douleur montait, le choix de sécuriser la deuxième place aux côtés de Vincent Bouillard était probablement le plus intelligent. Kilian est un stratège, pas un kamikaze.
4. Un terrain à l’avantage de Walmsley
Si Kilian est le maître des arêtes alpines, Jim Walmsley est le roi des pistes roulantes. Et c’est bien le point le plus évident : le parcours du Chianti Ultra Trail, peu technique, rapide, très courant, était taillé pour les qualités de l’Américain. Dès Monteluco (km 50), Walmsley a enclenché le turbo. Sur les longues pistes forestières, il est intouchable, capable de maintenir des allures de 4’30/km sur 100 km, là où Kilian Jornet est plus à l’aise sur des pentes cassantes, des descentes techniques et des zones à fort engagement. Le terrain a fait la différence, et Jim a parfaitement su en tirer parti.
Mais soyons honnêtes : on n’a pas vu un coureur diminué. On a vu un coureur absent. Kilian était là physiquement, mais pas mentalement. Son langage corporel disait tout : une foulée plutôt lourde, aucune agressivité, aucune envie de bousculer l’ordre établi. Le Catalan a couru en gestion, comme s’il savait déjà que cette course n’était pas pour lui. Alors simple constat ou signe inquiétant ? Car pendant ce temps, Jim Walmsley a écrasé la course. Sans trembler, sans se retourner, sans faiblir. Il a montré qu’il n’est plus seulement le “ricain à la foulée propre” qui explose à Chamonix. Il est devenu un monstre de contrôle, de stratégie, d’endurance. Et sur ce terrain roulant, c’est lui qui a dicté la loi. Face à lui, le mythe Jornet n’a pas pesé bien lourd.
Évidemment, on ne juge pas un champion sur une course. Kilian reste le dieu, le GOAT. Mais à 37 ans, avec une carrière pleine, une famille, un corps qui commence à parler, peut-il encore suivre le rythme de la nouvelle génération ? S’il veut revenir sur le devant de la scène, il faudra plus que des “courses de préparation”. Il faudra retrouver l’instinct de tueur, celui qui ne laisse pas filer un Jim Walmsley en solo à 70 bornes de l’arrivée. Sinon, le risque est grand : devenir une légende… qu’on ne voit plus que sur les podiums honorifiques.
Le GOAT est toujours là. Mais le trône, lui, n’est plus si stable.
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📸 Capture d’écran d’un post Facebook public du Chianti Ultra Trail, utilisée dans un contexte d’actualité et conforme au droit à l’information (article 9 du Code civil).