Kilian Jornet : ce que son mental d’ultra-terrestre peut nous apprendre sur notre humanité
Dans une interview donnée au média Brut Mental, Kilian Jornet livre une série de réflexions sur la gestion de l’effort, du stress et de la récupération. Derrière les performances hors normes, c’est une philosophie ancrée dans l’humilité, la lucidité et une grande attention au moment présent. Un témoignage qui résonne bien au-delà du sport de haut niveau.
Les 4 piliers de Kilian Jornet
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Le moment présent comme refuge et comme outil
Dans les passages les plus techniques de ses courses ou expéditions, Kilian Jornet ne pense ni au sommet ni à la ligne d’arrivée. Il ne se projette pas. Il se concentre uniquement sur l’instant qu’il est en train de vivre.
« Ce qui m’apporte le bonheur, c’est vivre le moment présent. Je pense au mouvement que je suis en train de faire, au prochain dans trois secondes. »
Cet ancrage total dans l’instant est à la fois un plaisir, une stratégie de performance et une nécessité de sécurité. Dans un environnement instable ou potentiellement mortel, toute distraction peut être fatale. Cette capacité à réduire le champ d’attention au strict nécessaire est ce qu’on retrouve dans certaines pratiques de pleine conscience ou de flow en psychologie du sport.
Mais Jornet va plus loin. Il raconte que cette pratique de la présence totale a déteint sur sa vie personnelle.
« Quand je suis avec mes enfants, je ne pense pas à aller m’entraîner ou au travail. Je profite d’être présent avec eux. »
Dans un monde saturé de stimulations, développer cette capacité à “être là” devient presque une hygiène salvatrice. Elle redonne du poids à l’instant, qu’il soit banal ou exceptionnel.
Comment s’entraîner à vivre l’instant présent ?
- Pendant une séance d’entraînement, focalisez-vous uniquement sur votre respiration ou vos appuis, sans musique ni distraction.
- Dans la vie quotidienne, choisissez une activité simple (cuisine, vaisselle, marche) et essayez de la faire sans penser à la suite.
- Utilisez une alarme ou un mot-clé (ex. : “Je suis ici et maintenant”) pour vous rappeler de revenir au présent quand vous sentez que l’esprit part ailleurs.
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Stress extrême et décisions lucides
Ce qui distingue Kilian Jornet, ce n’est pas seulement sa résistance physique, mais sa capacité à prendre des décisions dans des contextes de stress extrême. Il évoque des situations où il a cru qu’il ne s’en sortirait pas, et où pourtant il a su garder un calme relatif.
« Dans ces moments-là, on est capable de prendre des décisions en très peu de temps. »
Il souligne que l’alerte ne vient pas du corps, mais de l’esprit. C’est le cerveau qui envoie les signaux d’arrêt, pour protéger le corps du dépassement fatal.
Cette lucidité est travaillée, et elle repose notamment sur le fait de ne pas se voir comme une victime des événements :
« Finalement, si je me suis mis dans ces situations-là, c’était un choix. J’ai choisi d’être ici. »
Cette forme de responsabilité personnelle est centrale dans sa gestion du stress. Elle lui permet d’accepter la peur sans la subir, et de continuer à agir en conscience.
Comment s’entraîner à gérer son stress ?
- Lors de séances intenses, observez vos pensées sans les juger : que vous dit votre tête quand ça devient dur ?
- Evaluez votre degré d’inconfort mental sur 10 (1/10 : je vais super bien – 10/10 : très mal). Et préparer pour chaque pallier une réponse adaptée. (Si je suis à 6/10, je me rajoute de la musique)
- Entraînez-vous à faire des choix simples sous pression (orientation, matériel, rythme), pour automatiser les bons réflexes.
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Renoncer est une forme d’intelligence
L’un des passages les plus forts de l’interview concerne l’humilité face au danger. Jornet ne vend pas du rêve, il rappelle une vérité simple et exigeante : savoir faire demi-tour est parfois ce qu’il y a de plus sage.
« Il ne faut pas avoir peur de renoncer, pas avoir peur de faire demi-tour. Il faut être ambitieux sur les limites qu’on ne connaît pas, mais très humble sur celles qu’on connaît. »
Dans une société où l’on confond souvent persévérance et obstination, cette phrase vient rappeler une autre voie : celle de la lucidité. Ce n’est pas reculer que de se connaître et de s’arrêter au bon moment. C’est même ce qui permet de durer.
Jornet raconte que la plupart de ses expéditions ont été des échecs au sens classique du terme — il n’a pas toujours atteint le sommet. Mais il ne les considère pas comme des défaites :
« Ce que j’ai appris, c’est que le chemin est beaucoup plus important que l’objectif. Les émotions qu’on vit sont plus importantes que le fait de réussir ou pas. »
Comment s’entraîner à renoncer intelligemment ?
- Planifiez des “points de décision” avant vos sorties longues : lieux où vous évaluez lucidement si vous continuez ou non.
- Tenez un journal d’entraînement où vous notez aussi vos hésitations, renoncements, choix prudents.
- Rappelez-vous que changer de plan est un signe de maîtrise, pas d’échec : entraînez-vous à le faire sans culpabilité.
- Une récupération ancrée dans le bon sens
Dans l’imaginaire collectif, les athlètes de haut niveau récupèrent avec des technologies de pointe. Kilian Jornet, lui, casse cette image.
« Quand on pense à la récupération, on pense souvent à plein de gadgets. Mais ça, c’est juste le sommet de la pyramide. »
Ce qui compte vraiment, selon lui, ce sont les bases : dormir suffisamment, manger correctement, équilibrer sa vie. Il évoque aussi une idée souvent oubliée : le stress global, c’est-à-dire l’ensemble des tensions (travail, famille, entraînement) qui s’additionnent au stress physique. Ignorer cette charge cumulative revient à sous-estimer ses besoins réels de repos.
« Beaucoup de gens s’entraînent beaucoup mais ne prennent pas en compte le stress énorme du travail, de la famille. »
Son conseil est clair : parfois, progresser, c’est s’entraîner moins, mais mieux. C’est mettre la qualité, la récupération, et l’équilibre de vie au cœur de la performance.
Il raconte d’ailleurs qu’à la fin de certaines étapes de montagne très techniques, son cerveau était dans un état de fatigue extrême :
« Mon état cognitif était le même que si j’avais été dans un accident de voiture. »
Et pourtant, 1h30 de sommeil suffisait à le ramener à son niveau normal. Une démonstration puissante de l’efficacité de la récupération… quand elle est prise au sérieux.
Comment s’entraîner à mieux récupérer ?
- Pensez à l’hygiène du sommeil et l’hygiène alimentaire comme vous gérez votre hygiène dentaire : vous y consacrez un peu de temps tous les jours, parce que c’est sympa sur le moment ET pour un intérêt à long terme.
- Donnez à vos nuits la même priorité qu’à vos séances. Fixez une heure de coucher raisonnable au moins 5 jours par semaine. Réduire le sommeil de quelques heures seulement augmente le risque de blessure de 200%.
- Intégrez une pause active (respiration, étirement doux, marche) chaque jour, même courte, pour baisser le niveau de stress général.
Une forme de sagesse active
Les mots de Kilian Jornet ne sont pas ceux d’un surhomme ultra-terrestre. Ils sont ceux de quelqu’un qui explore ses limites, mais sans jamais se croire au-dessus. Concentration, recul, présence, équilibre : autant de piliers qu’il cultive avec rigueur, et qui peuvent inspirer chacun, quel que soit son niveau ou son domaine.
« Il faut être ambitieux sur les limites qu’on ne connaît pas, mais il faut être très humble sur les limites qu’on connaît. »
En définitive, il ne s’agit pas tant de courir plus loin ou plus vite, mais d’utiliser ce que la course nous apprend pour mieux vivre en général.
Le lien de l’interview : https://www.youtube.com/watch?v=pQZG5jwvFZo
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Image extraite de l’interview vidéo de Kilian Jornet publiée par Brut sur YouTube, utilisée ici dans un contexte d’actualité et d’analyse, conformément au droit à l’information (article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle).
