Suite à la polémique de ce début de mois d’août avec la mort d’un traileur de 46 ans survenue à la redescente du Mont Blanc, Kilian Jornet a publié aujourd’hui un long article sur sa page Facebook.
En effet, le commandant du Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne (PGHM) de Chamonix, Stéphane Bozon, avait fait ressortir lors de son interview à Lyon Capitale que Kilian Jornet avait inauguré un ère de “connerie humaine” où les traileurs iraient au sommet du Mont Blanc en prenant des risques inconsidérés.
Par la suite, le maire de Saint-Gervais, a émis un arrêté interdisant la montée aux personnes non équipées comme alpinistes, et, Kilian a, en réponse, publié une photo de lui, nu, au sommet du Mont Blanc rétorquant de manière provocatrice au maire de Saint-Gervais “et si je monte du coté italien, c’est légal ?”
Dans la communauté trail les avis sont partagés. Deux courants émergent :
– le courant pro-PGHM/Maire Saint-Gervais qui, en caricaturant, dit la chose suivante “les traileurs ne sont pas des alpinistes ils n’ont pas le droit de monter au Mont Blanc”;
– le courant “libertarien”: la montagne est un espace public qui appartient à tous, l’individu est responsable, il juge lui même les risques qu’il prend et si par malheur il dévisse, la responsabilité n’incombe qu’à lui même.
La position de Kilian Jornet
Est-ce cette dernière position qui est soutenue par Kilian Jornet dans son article accompagné d’une interview où il explique longuement quelle est la bonne attitude à avoir pour prendre la bonne décision en conscience ?
Pédagogue, c’est une véritable méthode qu’il présente. On sent l’expertise et l’expérience de Kilian Jornet le montagnard et l’alpiniste dans son discours.
1/ COMPRENDRE : L’alpinisme est une activité à risques. Avant de se lancer il faut comprendre la montagne, les vents, les roches, un système qu’on ne peut pas bien prédire.
2/ ETRE HUMBLE : notre approche doit se faire en fonction de nos capacités et de notre expérience. Il ne faut pas surestimer ses capacités et être toujours en position de renoncer à une course ou un trajet.
3/ APPRENDRE : toujours apprendre. On apprend des choses sur le net mais ce n’est pas suffisant. Le mieux est d’avoir un mentor. En l’absence de mentor, il faut embaucher un guide de montagne.
4/ PLANIFIER et S’ADAPTER : planifier ses routes, ses trajets alternatifs, et surtout s’adapter aux conditions de la montagne et aussi aux siennes, si on est pas en bonne forme, il vaut mieux rentrer à la maison, la montagne ne va pas partir.
5/ ACCEPTER : accepter qu’on fait cela pour soi et pas parce que d’autres le font ou l’ont fait. Accepter de reconnaître ne pas avoir les meilleures capacités pour prendre ce risque mortel que les meilleurs alpinistes prennent au maximum 2 fois dans leurs vies.
En résumé, tout le monde n’est pas Kilian. L’ultra-terrestre a escaladé deux fois en courant l’Everest sans oxygène, et a posté la semaine d’après une vidéo de lui courant au sommet du Mont-Blanc. Faut-il rappeller qu’il a gagné plusieurs fois l’UTMB et est un champion du monde de ski-alpinisme ?
Mais le débat reste entier. Malgré l’émotion que suscite la mort d’un traileur, et celle de nombreux alpinistes dans les Alpes, la montagne reste un espace de risque ET de liberté.
Si sur-réglementer et sur-protéger n’amène que l’infantilisation et in fine une verbalisation insupportable, se méprendre sur ses capacités et sous-estimer la montagne est un chemin mortel à coup sûr; aussi aucune responsabilité ne doit être portée sur les courageux serviteurs du public que sont les hommes du PGHM, en même temps devant l’accroissement inévitable du nombre des personnes, dont nous, traileurs, attirés par cette expérience humaine formidable que représente le fait de bouger dans ces environnements d’une beauté minérale absolue, notre système français ne devrait-il pas creuser l’exemple auprès de nos amis Suisses, génétiquement montagnards, qui, peu importe l’émotion, ont su garder préserver la liberté et l’humilité de chacun face à la montagne, grâce à un système de secours financé à 70% par une fondation de donateurs ?
Réflexion majeure que chaque participant et les nombreux commentateurs pourront avoir dans quelques jours lors de l’UTMB 2017.
Auteur : Eric Ch.